Stéphane Guillon : après ses polémiques, est-il... sur un siège éjectable ?

Lors de la dernière chronique acide du sniper Stéphane Guillon (il a rêvé de la mort de Nicolas Sarkozy et d'une partie du gouvernement), Jean-Luc Hees - PDG de Radio France - n'avait pas voulu s'exprimer sur le cas Guillon et ses dérapages successifs.

Hees refile la patate chaude à Val

Hees, arrivé à ce poste grâce à la volonté de Nicolas Sarkozy en 2009, a préféré laisser cette "patate chaude"... à Philippe Val, directeur de la station France Inter sur laquelle Guillon officie (et ancien directeur de Charlie Hebdo). "Il faut interroger Philippe Val", avait-il déclaré.

Val prend donc "la patate" en plein vol et a choisi d'évoquer subtilement le sujet dans une interview donnée au journal le Monde, dans son édition datée de demain. À quelques semaines de la présentation de sa nouvelle grille des programmes de la station de radio, Philippe Val sous-entend que l'humoriste Stéphane Guillon pourrait bientôt voir sa place... modifiée.

Il faut rappeler que Guillon, sniper de Canal + (dans Salut les terriens présentée par Thierry Ardisson) et de France Inter, a fortement égratigné de puissants hommes ces dernières semaines : après d'être attaqué à son propre patron, il s'est acharné sur le physique d'Eric Besson et s'est évidemment lourdement lâché sur le président Sarkozy. Des blagues parfois déplacées... ou simplement pas drôles.

Guillon, vraiment intouchable ?

Certains autres humoristes comme Bedos ou Carlier ont apporté leur soutien à ce représentant parfait de la libre expression et du droit à la caricature. D'autres en revanche, comme Bouvard, déplorent que ses billets d'humeur sombrent de plus en plus facilement dans la méchanceté facile, gratuite et pas toujours fondée...

Problème : Maintenant qu'il va de plus en plus loin dans ses interventions, si jamais il n'est pas reconduit dans la grille de rentrée, on accusera la direction de servir les intérêts de l'Elysée (France Inter est publique). Guillon risquerait alors, comme beaucoup le soupçonnent déjà, de s'auto-considérer comme martyr et victime d'une société liberticide qui entrave les humoristes qui usent de leur droit d'expression. Voilà qui ferait une bien mauvaise publicité... (c'est pas le moment !) Guillon est donc presqu'intouchable. Presque, seulement.

"Le problème n'est pas Guillon, c'est sa place [dans la grille]"

Dans l'interview donnée au Monde, Philippe Val semble clairement préparer le terrain d'une future éviction de Guillon ou au moins, d'une moindre exposition en le changeant d'heure : "Le problème, ce n'est pas Guillon en soi c'est sa place. Il n'est écrit nulle part que l'humour doive intervenir à 7h55. Jusqu'où peut-on aller dans ce mélange sans nuire à l'information ? Le chantier est en cours mais c'est une vraie interrogation. [...] Maintenant, ce n'est pas Stéphane Guillon qui fait l'antenne, il ne représente que quelque minutes sur 24 heures d'émissions. C'est injuste qu'on ne parle que de lui". Guillon n'est pas obligé de passer à 7h55 et pourrait donc être décalé dans sa programmation : l'éventuel changement de case horaire de Guillon serait loin d'être anodin et serait même lourdement significatif.

En effet, Stéphane oeuvre dans la matinale de Nicolas Demorand de France Inter, une plage horaire fondamentale pour les stations de radio qui surveillent attentivement leurs courbes d'audience pendant les tranches 6h00-9h00 : de plus, la présence d'humoristes dans les matinales aide souvent à accrocher ponctuellement plus de téléspectateurs, c'est le cas de Laurent Gerra sur RTL ou Nicolas Canteloup (Europe 1). Si Guillon est décalé, il risque de bénéficier d'une moindre exposition d'écoute...

"Il y aura des changements sous peu"

Concernant les propos durs que l'humoriste a tenu à l'antenne de la radio, Val élude la question ("Je n'ai pas de leçon à donner sur ces questions- là. Ce que dit Stéphane Guillon ne me pose pas de problème, il est dans le champ démocratique, on peut dire tout ce qu'on veut sur ce que font les gens"). Mais il remet les choses en place : "Il y aura des changements sous peu [...] Après, la question porte sur le respect de l'autre". Un respect que Guillon n'a potentiellement pas eu pour Besson ou Sarkozy notamment en s'attaquant au physique de l'un et en imaginant avec délice la mort de l'autre.

Guillon mis au placard ?

Guillon est-il si intouchable que cela, finalement ? Faut-il attendre de Val qu'il mette Guillon au placard ? Voire qu'il ferme ce placard à triple tour ? Guillon ne risque-t-il pas d'être considéré comme "l'humoriste-audacieux-qui-n'a-peur-de-rien", sacrifié sur l'autel d'une ferveur démesurée à l'adresse du gouvernement ? À provoquer sans cesse sur les mêmes cibles de prédilection, Guillon devient de plus en plus populaire... mais de moins en moins crédible dans son rôle de poil à gratter qui a un regard sans concession sur notre société.

Rappelons que Philippe Bouvard disait de Stéphane Guillon : "C'est un type de talent, mais il n'est pas assez bon comédien pour masquer sa haine (...)". Et comme le disait Sénèque : "Toute méchanceté a sa source dans la faiblesse".

Une petite chronique sur Philippe Val demain matin, Stéphane ? Chiche ?