Après plusieurs mois, intenses, enrichissants, inespérés, passés à revisiter la Seconde Guerre mondiale à l'aune de la vision de Quentin Tarantino, Mélanie Laurent, qui montera les marches du Palais des Festivals cannois mercredi 20 mai avec cette fameuse équipe d'Inglourious Basterds, sera dès la clôture... sur tous les fronts.
C'est une véritable "tornade blonde" que Richard Gianorio et Madame Figaro ont rencontrée, à quelques heures de ces instants forcément magiques. La révélation de Je vais bien ne t'en fais pas, film de Philippe Lioret dans lequel elle livrait une prestation poignante consacrée à de multiples reprises (Prix Romy-Schneider, César du meilleur espoir féminin, Etoile d'or, ...), est accaparée, depuis un certain temps déjà, par son premier long métrage en tant que réalisatrice - après être déjà passée à deux reprises derrière la caméra pour les courts métrages De moins en moins (nominé dans la sélection du genre à Cannes 2008) et A ses pieds (réalisation classée X au sein du projet X-Femmes).
Outre ses prochaines performances à l'écran (Le Concert, Jusqu'à toi, La Rafle - doté d'une colossale distribution hexagonale -, La Fille du puisatier - de et avec Daniel Auteuil), s'ajoutent à la liste un premier album en tant que chanteuse et une incursion au théâtre.
Figure féminine atypique de la jeune génération, la comédienne de 26 ans, vénéneusement mystérieuse, cultive son exception et son exigence. "Je considère que chaque moment doit être exceptionnel, assure-t-elle dans les pages envoûtantes que lui consacre l'édition de Madame Figaro à paraître ce 16 mai. Il faut être vigilant dans ce métier, car tout va très vite dans ce métier. Par exemple, il y a un côté papillon de nuit très dangereux si l'on n'y prend garde. Moi, je ne sors plus du tout : j'ai trop peur de m'abîmer. Il ne s'agit pas de gérer sa rareté ou de tout s'interdire, non bien sûr, mais il faut faire gaffe à son image..." Ce qui coïncide avec une forme d'intégrité professionnelle : "Je n'éprouve pas un besoin absolu de cinéma au point d'accepter n'importe quoi (...) D'autre part, avec le César, j'ai eu comme un déclic d'ego : je me suis dit qu'à partir de là, on allait m'aimer ou pas, me comprendre ou pas, et qu'il fallait assumer."
Hyperactive - ça, on l'aurait deviné - mais animée d'une sérénité euphorique ("je joue la comédie au sens littéral : je veux de la joie", pose-t-elle) en dépit de la "peur de ne pas arriver à tout faire", la belle risque fort de faire sensation sur la Croisette, avec le rôle de Shosanna Dreyfus, survivante du massacre de sa famille par les nazis en exil à Paris où elle mène une nouvelle vie sous l'identité d'une exploitante de cinéma, que lui a confié le fulgurant réalisateur de Reservoir Dogs, Pulp Fiction et Kill Bill. Une collaboration qui a laissé des traces : "Il [Tarantino] m'a fait ce cadeau énorme, il voulait commencer et finir le film avec Shosanna. J'étais présente le premier et le dernier jour du tournage [ses yeux s'embuent, note alors Madame Figaro]. Je crois que j'ai retrouvé le vrai sens de ce métier que j'avais un peu perdu ces derniers mois (...) Là, j'ai pu observer un réalisateur fou de cinéma, le premier que je vois savoir tout faire : embarquer son équipe avec lui, taper du poing sur la table, placer sa caméra, diriger ses acteurs... Chacun peut faire des propositions, on a le sentiment naïf de collaborer à la mise en scène."
Une (évidemment) fausse candeur qu'elle entretient depuis ses débuts, provoqués par sa rencontre avec Gérard Depardieu, qui la dirigea dans Un pont entre deux rives (co-réalisation du grand Gégé et de Frédéric Auburtin) : "J'avais accompagné sur le tournage d'Astérix et Obélix une copine qui était dans le cinéma, se souvient Mélanie. Je m'étais mise à l'écart pour ne pas déranger, je bronzais. Et là, Depardieu s'aproche et me dit : 'Est-ce que tu veux faire du cinéma ?' J'avais 13 ans." Depuis, "en pure autodidacte, [elle] sui[t] scrupuleusement les trois conseils que [lui] a donnés Depardieu : 1. Ne va jamais en cours. 2. N'apprends pas ton texte. 3. N'aie pas peur du ridicule."
Une profession de foi presque facile à respecter quand on a le feu sacré, qu'on est obligé de lui reconnaître lorsqu'elle lâche : "Je suis une instinctive qui ne connais pas la peur".
G.J.
Propos et photographies reproduits avec l'aimable autorisation de Madame Figaro, à retrouver en intégralité dans son édition du samedi 16 mai 2009.









