Le dessinateur argentin Joaquin Salvador Lavado, dit Quino, le créateur de Mafalda, la petite fille espiègle à la tignasse noire, est décédé mercredi à l'âge de 88 ans, a annoncé son éditeur, Daniel Divinsky. "Quino est mort. Toutes les bonnes personnes du pays et du monde entier le pleureront", a-t-il écrit sur son compte Twitter, rapporte l'Afp.
Entré à l'école des Beaux Arts de Mendoza à 13 ans, la région argentine qui l'a vu naître le 17 juillet 1932, ce fils d'Andalous avait tôt arrêté ses études pour se consacrer à sa passion: illustrateur d'humour.
Sa plus célèbre création, l'irrespectueuse Mafalda (publiée pour la première fois en 1964), deux points pour les yeux et une petite boule en guise de nez, est la fille d'une femme au foyer et d'un agent d'assurances argentins totalement dépassés par sa maturité.
Ses demandes d'explication sur la condition féminine, la dictature, la surpopulation, la guerre atomique ou encore Fidel Castro sont en réalité l'expression d'une indignation constante contre le monde des années 60. A sa sortie en Espagne, alors sous Franco, Mafalda est réservée aux adultes. Elle est censurée en Bolivie, au Chili et au Brésil. Après le coup d'Etat de 1976 en Argentine, Quino s'exile en Italie, puis en Espagne.
Même s'il n'a jamais renié la popularité de Mafalda, Quino n'y est pas plus attaché que cela. Le 25 juin 1973, il décide subitement d'arrêter sa série par peur de "trop se répéter".
En 2000, il expliquait à Libération pourquoi il avait arrêté de dessiner Mafalda et pourquoi il ne comptait pas recommencer : "Pour moi, c'est une époque disparue (...) En 1973, j'ai eu le sentiment que je commençais à me répéter moi-même. Ce qui m'étonne, c'est comme les gens continuent à parler de Mafalda. En 1998, on a fêté les 30 ans de 1968. La presse en a beaucoup parlé. Beaucoup de jeunes ont écrit aux journaux pour dire, "quelle chance pour cette génération d'avoir eu des idéaux, nous, aujourd'hui, on n'en a pas"".
Atteint de problèmes de vue, il a définitivement posé son crayon en 2006.
C'est après l'attentat contre Charlie Hebdo que le dessinateur, proche de Wolinski, a fait l'une de ses dernières apparitions publiques en janvier 2015: "Mafalda aurait ressenti une peine terrible", avait-t-il dit, tenant dans son fauteuil roulant une pancarte "Je suis Charlie".
Il laisse derrière sa femme Alicia Colombo, qu'il avait épousé en 1960.