C'était à la fois sa seule véritable amie et son seul véritable amour, celle qu'il était "tout simplement impossible de remplacer" et qu'il considérait comme son "épouse officieuse" ("Pour moi, c'était un mariage. Nous croyons l'un en l'autre, ça me suffit."), selon ses propres termes dans une interview de 1985 : dans la vie tumultueuse de Freddie Mercury, Mary Austin a occupé une place unique...
"Tu aurais été ma femme, cela t'aurait appartenu de toute façon"
Dans sa vie, et après sa mort, aussi : c'est à elle, avec qui il avait vécu au début des années 1970 une histoire d'amour de six années, installés dans West Kensington, marquée par une demande en mariage sans suite et interrompue par sa relation homosexuelle avec un cadre du label Elektra Records, que le chanteur de Queen a choisi dans son testament de léguer la majeure partie de sa fortune. Décédé le 24 novembre 1991 à l'âge de 45 ans à son domicile de Kensington, d'une bronchopneumonie fatale à son organisme déjà affaibli par le sida, Freddie Mercury lui léguait notamment - à elle plutôt qu'à son dernier partenaire, Jim Hutton - par ses dernières volontés sa propriété de Garden Lodge, dans Kensington - qu'elle lui avait pourtant conseillé de léguer à une bonne oeuvre et où elle vit toujours présentement -, ainsi que l'essentiel de ses royalties : "Tu aurais été ma femme, cela t'aurait appartenu de toute façon", avait consigné dans son testament l'éblouissant rockeur, parrain du fils de celle à qui il avait consacré des chansons passionnées, dont l'éloquente Love of my Life. Mary Austin, grand amour de Mercury au côté duquel elle est toujours restée, a d'ailleurs reçu les cendres de l'idole britannique après son incinération au Kensal Green Cemetery, toujours selon ses volontés, qui reposent en un lieu secret connu d'elle seulement. Ce serait une belle histoire, d'amour, de confiance et de loyauté, si l'offrande du roi de Queen ne s'était pas révélée être une malédiction, à en croire le récent témoignage de l'intéressée...
Le secret de sa sépulture bien scellé
Jalousies, rancoeur des survivants de Queen, Mary Austin révèle au Daily Mail que l'amour inconditionnel de Freddie Mercury pour elle a occasionné des tensions après sa mort. Malgré tout, elle a toujours résisté aux pressions, gardant scrupuleusement le secret sur la sépulture de la flamboyante rockstar - que même ses propres parents ignorent. La découverte récente d'une stèle portant le nom de Farrokh Bulsara, nom de naissance de Freddie Mercury, au Kensal Green Cemetery a relancé l'intérêt autour de ce mystère ; et, tandis que des cohortes de fans s'émouvaient d'avoir possiblement identifié le lieu de son repos éternel, la seule héritière du défunt démentait : "Freddie n'est absolument pas dans ce cimetière", a assuré Mary Austin, gardien du temple. Elle se souvient comment Mercury était terrorisé à l'idée que son sommeil éternel soit troublé : "Il ne voulait pas que qui que ce soit puisse tenter de l'exhumer comme cela s'était produit avec d'autres célébrités. L'obsession des fans peut être extrêmement profonde. Il voulait que cela reste un secret, et cela le restera."
Après avoir conservé l'urne contenant les cendres dans la chambre à coucher de Freddie Mercury pendant deux ans, elle s'est acquittée, seule, en toute discrétion et avec d'infinies précautions, de sa dernière volonté, en les plaçant là où il le lui a demandé : "Je ne voulais pas que quiconque puisse soupçonner que je puisse faire autre chose que ce que j'avais l'habitude de faire. J'ai dit que je sortais faire un soin du visage. Il fallait que je sois convaincante. C'était très compliqué de trouver le bon moment. Un beau matin, j'ai quitté en douce la maison, avec l'urne. Il fallait que cela ait l'air d'un jour comme un autre, de sorte que les employés n'ait pas le moindre soupçon - parce que les employés sont de vraies commères, ils ne peuvent pas s'en empêcher. Mais personne ne saura jamais où il est inhumé, car telle est sa volonté." Pas même les parents du défunt, qu'elle avait conviés quelques jours plus tôt à se recueillir à sa mémoire.
A Garden Lodge, dans cette résidence edouardienne d'une valeur de plus de 23 millions d'euros qu'il lui a léguée, très peu de choses ont changé : "Pourquoi voudrais-je changer quoi que ce soit ?", remarque Mary Austin en observant, lors de son interview avec le Daily Mail, le décor flamboyant et somptueux qui l'entoure, dans la salle de musique où trône un piano qui a vu naître quelques chefs-d'oeuvre de Queen. "C'est son goût, son style. C'est magnifique. Sa présence est partout."
"Il m'avait prévenue. Je me suis pris la jalousie en pleine face. Après sa mort, les autres membres de Queen se sont volatilisés."
Entourée de photos d'eux du temps de leur bonheur, de souvenirs "chargés d'émotion" des "20 années et quelque à vivre sous le même toit", Mary Austin confie que Freddie Mercury l'avait prévenue du traitement qui l'attendrait après avoir hérité : "Et il avait raison", constate-t-elle, aujourd'hui âgée de 62 ans, lorsqu'il lui prédisait que ce serait un fardeau. Minée par la dépression et des maladies après la mort du chanteur, Mary Austin avoue ses difficultés de l'époque pour assumer cet héritage colossal (plus de 10 millions d'euros en plus de la maison, et de nombreuses choses à gérer) : "Je me mettais à penser "Oh Freddie, tu m'as laissé bien trop, et bien trop à gérer aussi." J'avais l'impression que je ne saurais pas être à la hauteur. Il m'avait avertie que la maison allait être un challenge, bien plus que je me l'imaginais. Je suis heureuse qu'il l'ait fait, car je me suis pris la jalousie en pleine face - comme un TGV japonais. Très douloureux. Je ne crois pas que les membres de Queen encore en vie aient jamais réussi à s'y faire. Je ne comprends pas. Parce que, pour moi, ce n'est que du matériel. J'essaye de ne pas jalouser ou envier les gens. Freddie a été très généreux encvers eux au cours des dernières années de sa vie, et je ne crois pas qu'ils aient su apprécier cette générosité. Je ne crois pas qu'ils aient apprécié à sa juste valeur ni pris conscience de ce que Freddie leur a laissé. Il a laissé au groupe un quart des quatre derniers albums - il n'était pas obligé. Et je n'ai jamais rien entendu de leur part. Après la mort de Freddie, ils se sont volatilisés."
Elle, qui l'avait rencontré au début des années 1970 alors qu'elle avait 19 ans, est toujours restée. A tout vécu avec lui. A connu le frisson de l'imaginer la demandant en mariage, la douleur de le perdre en découvrant son homo-/bisexualité, l'angoisse de prendre soin de lui les derniers jours de sa vie. A ce sujet, Mary Austin se souvient d'un moment particulier, alors que les jours de Freddie Mercury étaient comptés et qu'il regardait des DVDs de ses exploits passés : "Une fois, il s'est tourné vers moi et m'a dit, triste, "et dire que j'ai été si beau." Je me suis levée, il fallait que je sorte de la chambre, c'était trop dur. Nous ne pouvions jamais nous laisser aller auprès de lui, c'était difficile. Mais je savais que si j'étais restée assise, j'aurais fondu en larmes. Lorsque je suis revenue, je me suis assise comme si de rien n'était. Mais cette fois-là, il m'avait prise au dépourvu..."
De la demande en mariage à la révélation de son homosexualité
Pourtant, ces deux-là se connaissaient le plus intimement du monde. Mary Austin, fille d'une famille peu fortunée de Battersea dont les parents étaient sourds et muets, se souvient de leur rencontre. Elle travaillait aux relations publiques pour une boutique de la marque branchée Biba dans Kensington, il tenait un étal de fringues au marché voisin, avec le batteur Roger Taylor : "Je n'avais jamais rencontré quelqu'un comme lui. Il avait beaucoup d'assurance - ce qui n'avait jamais été mon cas. On s'est fréquenté. Je l'aimais bien, et ça a commencé comme ça." D'un appartement à un autre, leur relation s'épanouit sans souci du lendemain. Jusqu'à ce Noël où - Mary Austin a alors 23 ans, Freddie Mercury 28 - il lui offre une grosse boîte : "Dedans, il y avait une autre boîte, puis une autre, et ainsi de suite. C'était encore l'une de ses fantaisies amusantes. Au final, j'ai découvert une superbe bague de jade dans la plus petite boîte. En la voyant, je suis restée sans voix. Je me souviens avoir pensé "je sais ce qui est en train de se passer". Ce n'était absolument pas ce à quoi je m'attendais. Alors je lui ai demandé : "A quel main dois-je la mettre ?" Et il a répondu : "Annulaire, main gauche." Puis il a ajouté : "Parce que... veux-tu m'épouser ?" J'étais sous le choc. Ce n'était vraiment pas ce à quoi je m'attendais. J'ai simplement murmuré : "Oui.""
Hélas, la demande en mariage ne sera pas suivie de noces. "Un peu plus tard, continue de raconter Mary Austin, j'avais repéré une merveilleuse robe de mariée de style ancien dans une petite boutique. Et vu que Freddie n'avait plus reparlé de mariage, la seule manière de prendre la température, c'était de dire "Est-ce le moment que j'achète la robe ?" Il a dit non. Il avait abandonné l'idée et cela ne devait jamais arriver" - ce qui ne l'empêchera pas, des années plus tard, dans une interview en 1985, de qualifier Mary de son "épouse officieuse" et leur relation de "mariage" à ses yeux. Mary Austin se souvient de sa déception d'alors, même si elle admet que "les choses se compliquaient et que l'atmosphère entre eux changeait énormément", sans trop savoir encore de quoi il retournait - d'homosexualité.
"Je ne l'ai jamais interrogé sur le sujet. Mais je pense que j'ai dû commencer à m'interroger moi-même. Se marier, c'était probablement quelque chose qu'il désirait. Mais il a ensuite commencé à se demander si ce serait juste envers moi", explique la désormais sexagénaire. Un jour, alors qu'elle a remarqué ses absences de plus en plus prolongées en soirée et le soupçonne d'en voir une autre, Freddie Mercury lui annonce qu'il a quelque chose d'important à lui dire : "Je n'oublierai jamais ce moment. Un peu naïve, il m'a fallu un moment pour prendre conscience de la vérité. Après coup, il s'est senti soulagé de m'avoir finalement avoué sa bisexualité. Bien que je me souvienne lui avoir alors dit "mais non Freddie, tu n'es pas bi, tu es gay". La serrant dans ses bras, il lui dira que, quoi qu'il advienne, elle fera partie de sa vie, et ils entameront un nouveau chapitre peu conventionnel, Mary partageant Freddie avec ses partenaires masculins avant de décider de déménager dans un appartement acheté par la maison de disques du rockeur de Queen.
"I'm going slightly mad" - Grandeur et décadence fatale
La révélation de l'homosexualité de Freddie Mercury signa la fin de leur relation sur le plan physique, mais leurs liens très forts perdurèrent, et Mary Austin reste reconnaissante au défunt chanteur d'avoir été sincère avec elle quant à son orientation sexuelle : "S'il n'avait pas été un homme aussi correct et ne m'en avait pas parlé, je ne serais pas là aujourd'hui. S'il s'était lancé dans une existence bisexuelle sans me mettre au courant, j'aurais contracté le sida et je serais morte", remarque-t-elle avec gravité. A ce propos, elle regrette que Freddie n'ait pas été "plus prudent" quant à son style de vie, estimant qu'avec les progrès de la médecine il pourrait être encore de ce monde. Racontant comme il se croyait invincible lorsqu'il montait sur scène, Mary Austin déplore que Freddie Mercury ne soit pas parvenu à en prendre conscience : "Après, c'était trop tard. La seule personne qui aurait pu y changer quelque chose, c'était Freddie. Mais je crois qu'il a arrêté d'être honnête avec lui-même. Beaucoup de ses soi-disant amis étaient là simplement pour les billets gratuits, l'alcool gratuit, la drogue gratuite, la bouffe gratuite, la célébrité et, bien sûr, les cadeaux coûteux."
De même qu'elle a été le seul grand amour de Freddie Mercury, le frontman de Queen a été celui de Mary Austin, même si elle a eu deux fils d'un autre homme (Richard, dont Freddie fut le parrain, et Jamie, né peu après sa mort), et a fini par se marier avec un autre encore (une union qui n'aura duré que cinq ans, soldée par un divorce au début des années 2000). Elle se souvient de l'énergie incroyable qu'il communiquait à chaque pièce où il se trouvait : "C'était comme le bouton de la radio. Ce n'est pas donné à grand-monde d'entrer dans une pièce, et d'y apporter quelque chose qui la rend chaleureuse et géniale. Puis, quand ils en partent, c'est fini." Elle se souvient de ce mélange de confiance en soi et de doute qui le caractérisait, comme bien des grands artistes, et du tournant qu'a constitué selon elle Bohemian Rhapsody, un titre trop long pour être joué en radio mais qui l'a affranchi du doute.
Elle se souvient, alors que les fans brûlent de savoir où repose leur idole, qu'elle n'a "jamais trahi Freddie de son vivant". Ce n'est pas pour le faire maintenant.
G.J.