La plus grande star de la BBC était aussi un pédophile. Jimmy Savile, décédé en 2011, ne sera jamais jugé pour ses crimes, des agressions sexuelles et des viols sur des centaines de petites filles et de petits garçons. Le monstre profitait de ses émissions à destination de la jeunesse, comme l'émission musicale culte Top Of The Pops, pour faire des victimes dans les locaux de la BBC. Pire encore, il profitait de ses oeuvres de charité, dans des écoles et des hôpitaux, pour porter atteinte à d'autres enfants. Mais ce sont ces mêmes oeuvres qui faisaient de Jimmy Savile l'un des hommes les plus appréciés du pays. Il avait accès au prince Charles comme à l'ancien Premier ministre, Margaret Thatcher. Fait officier de l'Ordre de l'Empire britannique en 1971, Jimmy Savile n'a été anobli qu'en 1990. Thatcher a bataillé dur pour qu'il obtienne ce grade de knight bachelor.
L'impossible chevalier
C'est ce que révèlent des documents secrets du Bureau du Cabinet, un département exécutif du gouvernement britannique dirigé par le Premier ministre, et dont la presse anglaise se fait l'écho aujourd'hui. Ces documents montrent la détermination de Margaret Thatcher, décédée en avril 2013, à rendre hommage à Jimmy Savile. Un Savile qui a permis de récolter plus de 30 millions de livres (35 millions d'euros) pour ses oeuvres.
Margaret Thatcher a fait au moins cinq tentatives pour que Jimmy Savile obtienne son grade de chevalier. La première en 1983, mais l'intéressé venait de déclarer dans la presse qu'il profitait des marathons caritatifs auxquels il participait pour coucher avec des femmes. Le comité en charge de ces distinctions a dit non à deux reprises cette année-là en raison des "déclarations fâcheuses" de Savile.
Son "style" de vie
En 1986, une lettre de son secrétaire privé exprime le profond mécontentement de Margaret Thatcher, qui ne comprend pas que l'on ne décore pas le héros national pour son engagement humanitaire. Mais à cette époque, où le gouvernement menait une grande campagne de prévention pour mettre en garde contre le sida, le comité a exprimé "son appréhension" que la "promiscuité sexuelle" de Savile, son libertinage, ne renvoie le mauvais message. En 1987, une nouvelle demande est rejetée. Des membres du gouvernement s'inquiètent de son "style de vie".
Margaret Thatcher obtient gain de cause en 1990, un mois après qu'elle a quitté le 10 Downing Street. Il faudra attendre la mort de Savile pour que le scandale pédophile éclate au grand jour et que les têtes commencent à tomber. La BBC dépense des millions dans une enquête interne pour savoir qui a protégé toutes ces années le monstre et elle met des sommes colossales de côté - 22 millions d'euros selon le Telegraph - pour indemniser les victimes de Jimmy Savile.