Les César ne pouvaient pas, pour leur 49e édition, faire la sourde oreille face aux déclarations fracassantes que Judith Godrèche a tenues ces dernières semaines et le #MeToo français. Commençant, dans le cadre de la promotion de sa série Icon of French Cinema, à revenir sur sa relation dès 15 ans avec le réalisateur Benoît Jacquot - son feuilleton est inspirée de son propre vécu, la comédienne et réalisatrice a libéré sa parole pour ensuite permettre celles d'autres membres du monde du cinéma. Elle a ainsi porté plainte contre le cinéaste qui l'a dirigée adolescente et avec qui elle a vécue, mettant des mots sur ce qu'elle a subi : des viols et des agressions sexuelles. Elle a également ciblé un autre metteur en scène, Jacques Doillon, contre lequel elle a aussi décidé de porter plainte. Pressentie aux César, l'artiste de 51 ans a livré un discours très puissant, recevant une standing ovation de la salle. Depuis, une autre photo circule sur les réseaux sociaux et concerne une autre actrice : Adèle Haenel.
Plusieurs personnalités rappellent qu'il y a exactement quatre ans aux César, une autre actrice avait fait un coup d'éclat puissant : Adèle Haenel. La comédienne avait brusquement quitté la salle Pleyel lorsque Roman Polanski a été sacré meilleur réalisateur pour J'accuse. Dans la salle, la caméra de Canal + a alors pu voir que la comédienne Adèle Haenel s'est levée pour quitter la salle Pleyel, n'attendant pas la fin de la cérémonie. Quelques applaudissements ont été entendus sur son passage et quelques huées ont été adressés à Polanski. "La honte", aurait-elle déclaré.
La réalisatrice qui l'a brillamment dirigée à plusieurs reprises notamment Portrait de la jeune fille en feu, Céline Sciamma a donc publié une photo d'elle dans les coulisses des César en 2020, pensive. Une façon de rappeler qu'il y a peu de temps, l'actrice avait déjà lancé un grand signal d'alerte, entendu seulement maintenant.
Un souvenir qui est encore vif dans d'autres mémoires, comme celle de Marie Gillain - qui avait explosé au cinéma à 16 ans dans Mon père, ce héros. Elle a reposté cette image en story Instagram, tandis que la journaliste Daphné Roulier s'est félicitée que le monde bouge enfin, tout en saluant le courage des deux actrices françaises.
Adèle Haenel, actrice aux 2 César, a décidé en 2023 d'arrêter le métier d'actrice pour des raisons politiques. Dans une tribune publiée par Télérama, elle a pris la parole et annoncé qu'elle se retirait définitivement du monde du cinéma. "J'ai décidé de politiser mon arrêt du cinéma pour dénoncer la complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels et plus généralement, la manière dont ce milieu collabore avec l'ordre mortifère écocide raciste du monde tel qu'il est", expliquait-elle.
Elle a un temps fait partie de la distribution de L'Empire de Bruno Dumont, avant de claquer la porte jugeant le contenu du film "sexiste et raciste". De son côté, Bruno Dumont avait critiqué le départ précipité de l'actrice de son film. Une attitude pas très respectueuse selon le réalisateur : "En 2022, je retrouve Adèle Haenel, très remontée contre moi, alors que jusque-là, on s'entendait très bien" a-t-il confié. "Elle a voulu changer le scénario qu'elle avait trouvé jusqu'alors complètement fou et réjouissant, m'accusant notamment d'être raciste, car je ne tournais qu'avec des blancs. Elle a le droit de le penser, mais elle a mis plus d'un an à le faire. En 2020, elle disait ne plus vouloir faire de cinéma mais de la politique, mais qu'elle ne pouvait pas refuser mon film. Cette volte-face totalement imprévisible et incompréhensible m'a profondément peiné, et a mis un coup à tout le monde".
Interrogée par nos confrères d'Allociné, Adèle Haenel est revenue plus en détails sur cette brouille avec Bruno Dumont. Elle a ainsi confié avoir discuté du scénario avec le réalisateur et demandé des changements, qui n'ont finalement jamais eu lieu : "Après un an, j'ai reçu le nouveau scénario où pas une ligne n'avait été changée, c'est pourquoi je suis partie du projet. Il y a plusieurs personnes qui peuvent attester de cela" a-t-elle révélé.
Parallèlement à sa carrière, Adèle Haenel a également vu une autre affaire ressurgir. Le parquet de Paris a requis le renvoi en correctionnelle du réalisateur Christophe Ruggia pour des agressions sexuelles sur mineure sur Adèle Haenel au début des années 2000 comme l'ont révélé RMC et l'AFP au mois de février.
Selon les sources proches du dossier, deux circonstances aggravantes ont été retenues par le ministère public: la minorité d'Adèle Haenel au moment des faits reprochés, à partir de ses 12 ans, et la position d'autorité de M. Ruggia, qui est le premier réalisateur à l'avoir fait tourner dans le film Les Diables (2002).
"Il résulte des déclarations circonstanciées, constantes, précises et datées d'Adène Haenel (...) et des éléments recueillis au terme de l'instruction que Christophe Ruggia lui a imposé des agressions sexuelles, nonobstant les dénégations de celui-ci", écrit le parquet dans ses réquisitions datées de mardi dont l'AFP a eu connaissance.
Christophe Ruggia, Jacques Doillon et Benoît Jacquot sont présumés innocent des faits reprochés jusqu'à la fin définitive de leur procès.