Six ans de prison, dont deux avec sursis, ont été requis jeudi contre le rappeur Moha La Squale, 29 ans, jugé à Paris pour des violences conjugales et menaces de mort dont l'accusent six ex-compagnes. Pendant presque cinq ans, entre 2017 et 2021, Mohamed Bellahmed - le vrai nom de l'artiste - a fait subir successivement à ses victimes un schéma de violences très similaire, a pointé la représentante du parquet.
Les jeunes femmes étaient d'abord "amadouées", puis subissaient des maltraitances psychologiques (insultes, propos humiliants), des menaces de mort, et enfin des sévices physiques: gifles, tirages de cheveux, étranglement, étouffement avec un oreiller, a détaillé la magistrate.
Lors de disputes, trois des six victimes présumées ont en outre été séquestrées par le prévenu, qui les a enfermées et leur a pris leur téléphone pour les empêcher d'appeler au secours, a-t-elle insisté.
Les six femmes ont "unanimement" décrit le "double visage" de leur ex-compagnon, à la fois "doux, gentil, affectueux" mais pouvant aussi "vriller en une seconde, et devenir cette autre personne, jalouse, colérique, capricieuse, impulsive, violente et paranoïaque", a souligné la procureure.
Elle a également requis une injonction de soins psychologiques pour le prévenu, qui a fait montre d'une "absence totale de remise en question", selon elle: tout au long du procès, le rappeur a répété que ses accusatrices mentaient, et s'est dit victime d'un "complot" de leur part.
"C'est un peu trop facile et surtout insuffisant: ce n'est pas un positionnement qui me rassure, en terme de risque de réitération pour l'avenir", a souligné la magistrate, qui a dit souhaiter qu'en "quittant la salle, il ait pour une fois une pensée pour les victimes et sur ce qu'il mettra en oeuvre à l'avenir pour qu'il n'en fasse pas de nouvelles".
Mercredi, au deuxième jour de son procès devant le tribunal correctionnel, le rappeur s'était empêtré dans des déclarations parfois contradictoires sur ses relations amoureuses "toxiques" : il avait continué à nier toute violence physique à l'encontre des plaignantes, tout en regrettant de leur avoir "fait du mal".
Le rappeur avait d'abord été mis en examen en juin 2021 pour une agression sexuelle et des violences sur d'ex-compagnes. En juillet 2022, il avait aussi été mis en examen pour viol, une qualification criminelle, sur une autre ex-compagne. Mais en "l'absence d'élément matériel venant étayer" ces dernières accusations, la juge d'instruction a donc décidé de rendre un non-lieu sur ce volet.
Dans son ordonnance, elle souligne en revanche qu'il est "décrit par ses compagnes successives comme cyclothymique, impulsif, immature, capricieux et colérique", des traits "probablement fortement accentués par une consommation excessive de cannabis", qui s'inscrivent "sur un terrain paranoïaque et jaloux". "La combinaison de ces facteurs débouchait sur des violences psychologiques caractérisées à l'encontre de ses compagnes", accompagnées parfois de "passages à l'acte physiques", avec "gifles, tirage de cheveux, étranglements ou encore étouffements avec un oreiller", observe la magistrate.
"Quand il parvenait à me faire dire que j'étais qu'une moins que rien... une merde, (...) tout allait mieux pour lui", racontera l'une des plaignantes, qui a décrit une relation de deux ans entre 2016 et 2018. "Les souffrances de ma cliente ont été entendues par la justice", a déclaré à l'AFP Me Antonin Gravelin-Rodriguez, avocat d'une plaignante "profondément marquée". "Nous espérons que justice sera rendue rapidement afin de lui permettre de tourner définitivement cette page".
L'instruction a été rythmée par les allers-retours entre liberté et détention du rappeur qui s'était fait connaître en 2018 comme l'une des révélations de l'année avec un premier album "Bendero" plébiscité par le public (disque d'or, plus de 50.000 exemplaires vendus) et la critique. Initialement placé sous contrôle judiciaire à l'issue de sa mise en examen en juin 2021, Moha la Squale avait plusieurs fois manqué à ses obligations, notamment en sortant de l'Hexagone malgré une interdiction, entraînant son incarcération en juin 2022. Remis en liberté un an plus tard et placé sous bracelet électronique, il s'est "évadé" en novembre dernier et a été rapidement retrouvé en Allemagne, puis de nouveau placé en détention provisoire le 9 février. Son casier judiciaire comporte plusieurs condamnations.
Rappelons que le mouvement #MeToo a connu une déclinaison dans le monde de la musique française avec #MusicToo, apparu avec le compte du même nom au cours de l'été 2020 sur Instagram. Cet outil a recueilli plusieurs centaines de victimes de harcèlement ou agressions sexuelles, selon son décompte.
Moha la Squale reste présumé innocent des fais qui lui sont reprochés jusqu'au jugement définitif de cette affaire