C'est une étoile méconnue et pourtant vénérée du jazz et du blues qui vient de s'éteindre. Jimmy Scott est mort dans son sommeil à son domicile de Las Vegas, le 12 juin 2014. Son histoire, assez dramatique, est celle d'un artiste au physique de vieil enfant et à la carrière contrariée. Celui que l'on surnommait Little Jimmy Scott en raison de sa petite taille a disparu des radars pendant trente ans avant de revenir sur le devant de la scène avec l'aura d'une voix mythique.
Né le 17 juillet 1925 à Cleveland, dans l'Ohio, Jimmy Scott est le troisième de dix enfants. Dès l'enfance, il chante, encouragé par un professeur de chorale. Les choses se gâtent quand sa mère est fauchée par un chauffard et que son père décide de les abandonner, ses frères et soeurs et lui. Le sort s'acharne quelque temps plus tard : le syndrome de Kallmann met un terme à sa croissance et stoppe sa puberté. Jimmy Scott n'a que 13 ans, sa voix ne muera pas.
C'est pourtant grâce à cette voix angélique qu'il se fait remarquer. Quand on l'écoute, on pense à la grande Billie Holiday qui l'adorait. Dans les années 1940 à New York, le petit Jimmy rencontre ceux qui comptent et ces derniers l'épauleront : Ray Charles, Frankie Valli (l'un des Jersey Boys à qui Clint Eastwood consacre son dernier film) ou Dinah Washington, pour ne citer qu'eux. Jimmy Scott signe pourtant le mauvais contrat avec le mauvais producteur en 1955 chez Savoy Records. Le propriétaire du label ruine sa carrière et l'empêche d'enregistrer pour les autres. Pendant des années, Jimmy lutte pour s'émanciper avant d'abandonner à la fin des années 1960. On l'oublie... du moins le grand public.
Renaissance lors de funérailles
Juste avant sa mort, le compositeur de jazz Doc Pomus glisse à sa fille le nom de Jimmy Scott. Sire Records le retrouve et lui demande d'honorer l'une des dernières volontés du défunt : chanter à ses funérailles. En mars 1991, la carrière de Little Jimmy renaît. Pour le dernier voyage de Doc Pomus, il interprète Someone to Watch Over Me et bouleverse Seymour Stein, patron de Sire Records, qui avait eu le nez assez creux pour signer dix ans plus tôt une certaine Madonna. Stein offre à Jimmy Scott un contrat de cinq albums. All The Way sort en 1992. C'est l'album de la renaissance. Le journaliste Didier Lestrade fait partie des premiers journalistes à écrire sur les musiques électroniques en France. Sur Slate.fr, il raconte sa première écoute de cet album de Jimmy Scott : "J'étais là, transi, comme un con, sans même oser regarder la pochette, les crédits, la feuille promo de la maison de disques. J'étais un journaliste de house, pas de jazz. J'ai chialé, juste un peu, et une minute après, je suis devenu dingue. Je me suis mis à parler de ce disque à tout le monde. Les gens autour de moi étaient aussi exaltés."
Toujours au début des années 90, Jimmy Scott fait une apparition dans la série culte Twin Peaks de David Lynch. Il enchaîne les concerts et les collaborations avec des artistes aussi différents que Lou Reed, Flea des Red Hot Chili Peppers, Michael Stipe ou Antony and the Johnsons. Madonna a dit de lui qu'il était le seul chanteur à la faire pleurer. Pour Didier Lestrade, Jimmy Scott était bien plus qu'une voix : "Quand le public applaudissait Jimmy Scott, (...) ce n'est pas seulement sa musique, sa voix, son talent qu'ils reconnaissaient enfin. C'était aussi l'existence de tous les marginaux, les perdus et les outcasts, dont le blues et le jazz ont fait les ménestrels du XXe siècle." Un papier à lire d'urgence sur Slate.fr.
Grand amoureux des femmes malgré un physique atypique, Jimmy Scott s'est marié pour la dernière fois en 2003 avec Jean McCarthy. Après avoir vécu dans le New Jersey, le couple s'était installé du côté de Las Vegas. Où il a rendu son dernier souffle.
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