L'Ange bleu mythique, la star des années 1930 qui éblouit Hollywood et les scènes du monde jusque dans les années 1970, finit recluse avenue Montaigne à Paris en 1992. Personne ne l'a vue ou presque dans les dix dernières années de sa vie. Sa fille unique, à peine. Le magazine Gala dresse cette semaine l'antiportrait de Marlene Dietrich en "mère cruelle et abusive" avec sa seule enfant, Maria Riva.
Une chose
Dans un grand papier intitulé Marlene Dietrich, le bourreau de sa fille, notre confrère Laurent Del Bono raconte comment, insidieusement, la star est devenue le cauchemar de sa propre fille, enfant unique du couple qu'elle formait avec Rudolf Sieber. Un couple qui n'existait pour les convenances et les caméras : Marlene enchaînant les conquêtes, Rudolf vivant une passion avec Tami, la gouvernante de madame qui passait plus de temps avec monsieur. Gala raconte comment Maria Riva, née en 1924, était aimée par sa mère comme un objet, une chose. Comment Marlene Dietrich s'est battue auprès des studios hollywoodiens pour qu'ils acceptent qu'elle soit sur les photos en sa compagnie : "Maria est mon seul bien. Je ne possède rien d'autre." Mais la star est abusive, jalouse et fait des colères homériques. Elle est absente à toutes les étapes importantes de la construction d'une adolescente et s'en contrefiche quand, à vingt ans, Maria est violée par une amie lesbienne de ses parents. "D'une certaine façon, j'avais été formée pour ça. Toujours consentante, conditionnée à ce qu'on se serve de moi, sans identité propre."
Devenue l'assistante de sa mère, Maria Riva tente une première fois de lui échapper en se mariant. Un échec. Son second mariage avec William Riva, un décorateur de Broadway, est le bon. Lorsque Maria tombe enceinte, sa mère lui conseille l'avortement avant d'embrasser avec plaisir la nouvelle étiquette que lui colle la presse américaine, celle de "la plus glamour des grands-mères".
La Haine
La mort de Rudolf Sieber en 1976 marque la fin de la carrière de Marlene Dietrich. Leur fille le fait inhumer auprès de sa maîtresse, Tami. L'Ange Bleu entame sa longue déchéance à l'abri des regards dans son appartement du 12, avenue Montaigne. Elle dira de sa fille à cette époque : "Tu es ma Gestapo." Elle la tient responsable de tous ses maux. La Dietrich s'éteint en 1992 à l'âge de 90 ans. Notre confrère écrit : "Contre sa volonté, [Maria] avait décidé de faire enterrer sa vieille maman en Allemagne, auprès de sa grand-mère. Persuadée, dans sa vengeance, que, chez les Dietrich, les relations mères-filles ne sauraient être qu'un enfer."
Malgré la soumission qui fut la sienne, Maria Riva devint actrice et décrocha même deux nominations à l'Emmy Award de la meilleure actrice au début des années 1950. En 1992, elle publie une biographie très dure de sa mère. Elle est restée mariée à William Riva jusqu'à la mort de ce dernier en 1999. Ils eurent quatre fils dont le premier, Michael, devint décorateur de cinéma, et fut nommé à l'Oscar pour La Couleur pourpre (1985) de Steven Spielberg. On lui doit également les décors de Django Unchained de Tarantino (2012). J. Michael Riva est mort d'une crise cardiaque l'été dernier.
Gala, en kiosques le 10 juillet 2013.