Le 19 juin 1986, la France pleure la mort d'un de ses plus grands humoristes. Coluche, alors âgé de 41 ans, vient de décéder des suites d'un terrible accident de moto près de Grasse, à Opio (Alpes-Maritimes). Sur sa moto Honda 1100 VFC rouge et noire, accompagné de deux amis, Coluche roule à une allure modérée, selon l'enquête de police. Sans casque, il ne voit pas le camion de 38 tonnes qui vient de braquer brutalement sur la route de la commune de Grasse. Sa moto se couche, la tête de l'humoriste percute l'avant du camion. Le coup lui sera fatal. Quelques jours plus tard, le 24 juin, ses obsèques se tiennent à Montrouge, en compagnie de sa femme Véronique Colucci et de leurs deux enfants, Marius et Romain.
Vingt-sept ans après sa mort, Le Petit Niçois a retrouvé celui qui conduisait "ce putain de camion" qui coûta la vie à Coluche. Alors qu'à Opio, près de 3000 personnes et motards se sont réunis au carrefour du Piol pour l'inauguration du rond-point Coluche rebaptisé du nom de l'humoriste décédé à l'endroit même, un homme manque à l'appel. Son nom : Albert Ardisson. Il a aujourd'hui 75 ans, coule une paisible retraite à Carros-Village, mais n'a rien oublié. Même s'il a tenté. Le Petit Niçois est allé à sa rencontre et rapporte quelques précieuses paroles de cet homme plongé dans l'anonymat, blessé à vie par la tragédie.
Son visage, les Français ne s'en souviennent pas. Et pourtant, lors d'un reportage le soir même sur Antenne 2, un homme, portant un T-shirt à rayures, l'accent du Sud marqué, raconte en quelques mots l'horreur. "Je ne l'ai pas vu, il a débouché. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise d'autre ? Je ne peux rien vous dire d'autre", lâche l'homme, abattu, qui ne lance aucun regard à la caméra. Contrairement à ce que précisent les rapports de police, Coluche "allait très vite". Voilà le seul élément qu'Albert Ardisson laissera aux médias après cette courte interview. "C'est malheureux, qu'est-ce que je voulais que je vous dise" seront ses derniers mots. Depuis, rien.
Jusqu'à ce dimanche 23 juin, raconte le journaliste du Petit Niçois. Pour cet amateur de pétanque, arrière-grand-père, c'est "une longue affaire qui dure depuis trente ans". Comme s'il était exaspéré, il n'oublie pas cette épisode de sa vie, qu'il qualifie de "très grave". Le journaliste n'en tirera guère plus qu'en son temps son confrère d'Antenne 2. Depuis le drame, ce chauffeur de poids-lourd a basculé dans la dépression et manigancé tout un stratagème pour éviter le sujet, en se proclamant père de Thierry Ardisson, fameux présentateur télé, affirmant que "généralement, cela coupe court à toute discussion".
Voilà de quoi éclaircir le mystère autour de cette mort. En effet, pour beaucoup, Coluche a été victime d'un meurtre, voire d'un complot gouvernemental. Dans Coluche, l'accident, livre d'investigation écrit par Jean Depussé et Antoine Casubolo, les deux auteurs évoquent les doutes, les incohérences et les contradictions autour de cette mort tragique, insinuant que la disparition de Coluche pouvait être le fruit de la haine politique de certains qui auraient pu le trouver gênant. Aux dires d'Albert Ardisson, la thèse semble bien fumeuse. Coluche est bien mort d'un banal accident de la route, que son malheureux auteur survivant tente d'oublier à sa manière.