Il fut le témoin privilégié de l'Europe du XXe siècle : né en 1929 à Brno, en Tchécoslovaquie, l'écrivain Milan Kudera nous a quittés ce mardi 11 juillet à 94 ans après une vie faite de littérature, de politique et d'exil.
Confirmée par l'AFP et sa porte-parole, l'information a suscité de très nombreuses réactions, dont celle de son ami Bernard-Henri Lévy, qui l'avait vivement défendu en 2008 lorsqu'il avait été accusé d'avoir trahi un soldat pendant sa jeunesse, et qui a posté une photo de lui sur son compte Twitter. "Adieu, amis", a-t-il écrit.
Carla Bruni, la ministre Rima Abdul Malak, Augustin Trapenard ou encore Anne Hidalgo : beaucoup lui ont également rendu hommage sur les réseaux sociaux. "Incontestablement le plus européen des écrivains, il incarnait les contrastes subtils de notre monde. Ses livres si forts ne nous laissaient jamais tranquilles par leur intelligence et les réflexions sur notre condition humaine", a notamment écrit la maire de Paris, faisant référence à sa vie entre deux pays dont il s'est tant inspiré pour ses livres.
Il faut dire que sa vie ne peut laisser personne indifférent : après une jeunesse sous le joug du régime communiste tchécoslovaque, qu'il avait d'abord rejoint puis combattu, il s'était exilé en France en 1975 et avait été naturalisé français en 1981, deux ans après avoir été déchu de sa nationalité tchèque.
Une nationalité retrouvée en 2019, mais rien n'y a fait : à partir de 1993, Milan Kundera n'a plus écrit qu'en français. Extrêmement discret sur sa vie privée, dont les informations publiques étaient drastiquement contrôlées, celui qui ne parlait quasiment pas aux médias était marié avec Vera, une ex-présentatrice de télévision tchèque, avec qui il vivait à Paris selon l'AFP.
Parmi ses chefs-d'oeuvre, on compte L'insoutenable légèreté de l'être, sorti en 1982 et qui figure parmi les romans les plus réputés du XXe siècle, formidable roman d'amour et ode à la liberté, tout à la fois grave et désinvolte, dont le sujet n'est rien moins que la condition humaine. La Lenteur, son premier roman en français, publié en 1995, est également très connu.
Il devrait désormais recevoir un hommage appuyé de la France comme de la République Tchèque, où il avait été secoué par un scandale en 2008. En effet, l'écrivain avait été accusé d'avoir trahi un jeune soldat tchèque en 1950 pour être passé à l'Ouest puis revenu dans l'armée communiste. Le jeune homme avait été condamné à 22 ans de prison, dont 14 dans des conditions drastiques. L'homme avait catégoriquement nié cette accusation, "très choqué", et avait été défendu par de nombreux soutiens dans le monde littéraire, dont plusieurs prix Nobels, Yasmina Reza ou encore Salman Rushdie.