






Le jugement dans l'affaire opposant l'actrice Adèle Haenel au réalisateur Christophe Ruggia devait être rendu ce lundi 3 février 2025 au tribunal correctionnel de Paris à 13h30. Il l'a été en présence des deux protagonistes et de leurs avocats.
Christophe Ruggia a été reconnu coupable d'avoir agressé sexuellement l'actrice Adèle Haenel quand elle avait entre 12 et 14 ans, et a été condamné à quatre ans de prison dont deux ferme à effectuer sous bracelet électronique. Comme le rapporte l'AFP, Adèle Haenel, visiblement nerveuse avant le jugement, n'a pas réagi à l'annonce du délibéré. Christophe Ruggia, qui évitait de la regarder, n'a pas montré de réaction non plus. Le tribunal a aussi condamné le réalisateur à indemniser Adèle Haenel à hauteur de 15 000 euros pour son préjudice moral, et 20 000 pour ses années de suivi psychologique.
Christophe Ruggia va faire appel de sa condamnation à deux ans de prison ferme sous bracelet électronique pour avoir agressé sexuellement l'actrice Adèle Haenel a annoncé lundi l'une de ses avocates Fanny Collin. La défense de Christophe Ruggia avait plaidé la relaxe. "Dans ces conditions et parce que nous ne pouvons pas nous résoudre à l'injustice, au moment où je vous parle Christophe Ruggia se rend au greffe (...) pour faire appel de cette décision", a déclaré Me Collin aux journalistes.
En ce jour important, Adèle Haenel a pu compter sur le soutien de Judith Godèche présente devant le tribunal correctionnel de Paris. "À tout à l’heure Adèle. Nous serons là lundi. Nous serons les représentantes de cette enfant qui a disparu, que personne n’a protégée", avait-elle publié sur Instagram dès hier.
L'accusation avait requis le 10 décembre cinq ans de prison, dont deux ferme aménagés sous bracelet électronique à l'encontre du réalisateur, qui a contesté jusqu'au bout avoir agressé Adèle Haenel entre ses 12 et 14 ans. Le tribunal a donc suivi les réquisitions, Christophe Ruggia n'ira pas en prison.
Adèle Haenel avait joué le rôle principal de son film Les Diables en 2001, une histoire de fugue perpétuelle d'un frère et d'une soeur qui tourne à l'inceste, avec des scènes de sexe entre les enfants et de longs gros plans sur le corps nu d'Adèle Haenel. Plusieurs adultes sur le plateau avaient dit leur "malaise" face au comportement "déplacé" du réalisateur presque quadragénaire avec son actrice. Les agressions sexuelles qu'a dénoncées Adèle Haenel - publiquement dans le site d'investigation Mediapart en 2019, déclenchant #Metoo dans le cinéma français - auraient débuté chez le réalisateur, après le tournage du film sous couvert de préparation de sa promotion. Et se seraient poursuivies quasiment tous les samedis après-midis pendant deux ans.
A la barre, Adèle Haenel, qui s'est mise aujourd'hui en retrait du cinéma, a décrit le processus toujours identique des agressions. Elle assise sur le canapé, lui qui vient "se coller" l'air de rien au fil de la conversation parce que "ma puce (t'es) vraiment trop drôle". Puis les mains qui passent sous le T-shirt, dans son pantalon. Après le "goûter", il la ramenait chez ses parents. Droite comme un i à l'audience, le visage régulièrement pris de spasmes nerveux, Adèle Haenel avait cherché les mots pour décrire l'impossibilité de sortir de cet engrenage, face à un homme qui disait l'avoir "créée", qu'il n'avait "pas eu de chance de tomber amoureux d'elle", cette "adulte dans un corps d'enfant".
L'actrice qui avait péniblement contenu sa rage face aux dénégations répétées de Christophe Ruggia, se contentant de le fixer d'un regard noir qu'il évitait, avait fini par exploser la seconde après-midi de procès. Bondissant de son siège et dans un cri venu de loin, elle avait hurlé "mais ferme ta gueule !", frappant des mains sur la table devant elle, figeant pendant quelques secondes la salle d'audience. Le réalisateur était en train d'expliquer qu'il avait tenté de la protéger des retombées du film dans la vraie vie, lui suggérant notamment qu'elle prenne "un nom d'emprunt". Elle avait ensuite quitté la salle, comme en écho à son départ de la cérémonie des César en 2020 après l'annonce du prix du meilleur réalisateur décerné à Roman Polanski, accusé d'agressions sexuelles et de viols par plusieurs femmes.
Soutenant qu'elle avait une "sensualité débordante" à 12 ans, Christophe Ruggia a pourtant assuré n'avoir "jamais" été "attiré" par l'actrice. Les accusations portées contre lui ? Une "vengeance" car il aurait refusé de la faire jouer à nouveau. Et puis, "il fallait lancer un #Metoo français, et c'est tombé sur moi".
Une "défense absurde", avait balayé la procureure Camille Ploch. "Il a fait le choix d'agresser sexuellement. Il avait toute sa conscience d'homme, d'adulte pour agir autrement". "Cette audience doit rappeler l'interdit, qui était l'adulte, qui était l'enfant", avait martelé la magistrate, disant n'avoir "aucun doute" sur la réalité des agressions, décrites de manière "constante" par Adèle Haenel.
Les avocates de Christophe Ruggia, Fanny Collin et Orly Rezlan, avaient plaidé la relaxe, même si aux yeux de tous il est déjà "coupable", avaient-elles déploré, craignant que le tribunal ne soit tenu "de rendre justice le pistolet sur la tempe". Les avocats de l'actrice, Yann Le Bras et Anouck Michelin, avaient demandé 30 000 euros en réparation du préjudice moral et 31 000 euros en réparation d'années de suivi psychologique.
Christophe Ruggia reste présumé innocent de faits qui lui sont reprochés jusqu'au jugement définitif de cette affaire