"Il a traversé son époque avec une grande légèreté (...) Il est mort avec un courage exceptionnel", admirait dimanche Michel Drucker, attristé, suite à la mort d'Eric Charden, à laquelle il était invité à réagir, quelques heures plus tard à peine, sur le plateau du journal de 13 heures de Laurent Delahousse sur France 2.
Eric Charden est mort à 69 ans, vaincu au matin du dimanche 29 avril 2012 par le cancer qu'il combattait bravement depuis janvier 2011, déclenchant une vague de chagrin à la mesure des airs populaires et de la personnalité atypique dont il laisse le souvenir, notamment au travers du duo Stone et Charden. Avec Annie Stone, il venait de signer un album de duos en forme de testament, paru en mars et produit par leur fils Baptiste, Made in France.
"C'est miraculeux ce qu'il a fait, c'est comme Bashung qui chante aux Victoires de la Musique, et qui nous quitte trois jours après"
Pour Michel Drucker, Eric Charden avait fourni un effort surhumain, honorant l'invitation de Vivement Dimanche alors que sa condition s'était très sérieusement dégradée. Une vaillance dont témoignait hier avec beaucoup d'émotion l'animateur vedette de France Télévisions : "Je ne sais même pas comment il était venu chanter ce jour-là. Il avait un cancer des ganglions, un cancer du sang, un lymphome, un cancer méchant, qui se soigne mal, surtout à 69 ans. Il le savait, et ce qui rythmait sa vie, depuis quelques mois, c'était cet album de duos, et Vivement Dimanche. Je lui avais donné une date de Vivement Dimanche, et les médecins m'avaient dit : "Il ne viendra pas." Trois jours avant, il ne devait pas venir, il était vraiment dans un état de grande faiblesse. Il est venu. On a enregistré deux chansons, il a tenu le choc ; il s'est effondré après. Je l'ai vu hier à Saint-Louis, où il était en chambre stérile, pour lui dire au revoir. C'est miraculeux ce qu'il a fait, c'est comme Bashung qui chante aux Victoires de la Musique, et qui nous quitte trois jours après. Je ne sais pas comment il a fait... Les artistes ont quelque chose de plus."
Ce quelque chose de plus qu'avait Jacques Puissant, alias Eric Charden, on le touchera du bout des doigts avec la publication attendue cette semaine (le 3 mai, aux éditions Didier Carpentier) de l'autobiographie qu'il avait rédigée, De l'encre sur les doigts, "teintée d'humour et de recul, pleine de rebondissements, de rencontres inattendues et de coups sacrément durs", résume Le Parisien.
"[Made in France,] Il voulait se battre pour ce projet qui lui tenait à coeur. Notre fils Baptiste était le producteur. C'était un travail en famille."
Avant ses propres mots, ce sont ceux de sa plus fidèle complice qui le racontent, Annie Stone. La moitié du duo Stone et Charden, qui fut également sa moitié à la ville de 1966 à 1975, admettait hier que tous deux savaient "la fin proche" : "C'est rageant de se dire qu'on n'a pas été plus loin", déplorait-elle dans le JT de France 2. Dans Le Parisien (édition de ce 30 avril), elle sait que, désormais, "seule, ça va être difficile" : "Parfois, je fais des galas en solo avec la voix d'Eric préenregistrée pour les anciens tubes comme L'Avventura ou Made in Normandie, mais je ne peux pas faire les nouveaux titres sans Eric." "Je veux continuer à défendre notre disque. C'est un hommage à lui rendre", ajoute-t-elle, quelques jours après avoir chanté avec lui, émacié, sur le plateau de Vivement Dimanche, leur reprise de Véronique Sanson, Une drôle de vie.
Cet album Made in France, "il s'y accrochait", poursuit-elle. "Il voulait se battre pour ce projet qui lui tenait à coeur. On l'a enregistré il y a un an, chez lui. Notre fils Baptiste [Charden était père de trois enfants, nés de trois femmes, NDLR] était le producteur. C'était un travail en famille", raconte-t-elle entre un commentaire sur le tempérament d'artiste "terriblement angoissé" d'Eric Charden et une anecdote, comme celle de leur rencontre - "Je participais à l'élection de Miss Beatnik et Eric était dans le jury. Il avait un peu bu et ne se rendait pas compte de ce qui se passait. Heureusement, on s'est revu un peu après et on a commencé à travailler ensemble. J'étais une jeune chanteuse qui cherchait des titres, lui un compositeur. Le duo est né cinq ans plus tard."
"Un petit rayon de soleil a illuminé cette espèce de vie, cette année où il avait vécu beaucoup avec les hôpitaux, les traitements lourds"
Annie Stone a évoqué auprès d'Europe 1 cette "quantité de souvenirs tous plus merveilleux les uns que les autres ensemble" avec Eric Charden, et détaillé pour RTL (entretien à écouter sur le site de la station) ces derniers mois délicats. "Made in France, c'était un projet qui tardait à voir le jour. On aurait peut-être dû le sortir plus tôt mais comment savoir ?", regrette-t-elle, racontant le combat contre le cancer de son partenaire : "Eric a lutté beaucoup contre sa maladie. Il avait des rechutes, il n'était pas toujours très bien. Il a eu beaucoup de courage pour en plus assurer les quelques émissions que l'on a pu enregistrer. Ca lui a fait du bien malgré tout. Ca a été pour lui un supplément. Un petit rayon de soleil qui a illuminé cette espèce de vie, cette année où il avait vécu beaucoup avec les hôpitaux, les traitements lourds."
Malgré ce final très dur, Annie Stone, qui a toujours dit que leur divorce n'avait généré aucune tension, retient surtout toutes les ondes positives : "Il ne reste que des images joyeuses, sympathiques. Il n'y a pas de négativité, que de l'optimisme et du bon. Surtout là on était repartis sur une aventure musicale extraordinaire..."
Le dernier duo, la dernière télé de Stone et Charden, qui avaient reçu mi-avril la Légion d'honneur des mains de Michel Drucker, ce sera vendredi 4 mai 2012 à 20h50 sur France 3 : pour l'émission hommage à Dalida, présentée par Daniela Lumbroso à l'occasion des 25 ans de sa disparition, ils avaient enregistré le 3 avril dernier Paroles, paroles, une des reprises figurant sur Made in France. Le lendemain, samedi 5 mai, on les verra à nouveau, cette fois sur France 2, dans Les Années Bonheur, émission de Patrick Sébastien qu'ils avaient enregistrée en mars.