Huit mois après sa démission, l'ex-directeur de Sciences Po Paris Mathias Vicherat a été condamné ce vendredi 29 novembre 2024 à cinq mois de prison avec sursis pour des violences sur son ancienne compagne Anissa Bonnefont, qui a été condamnée à huit mois de prison avec sursis pour des violences envers lui, comme le rapporte l'AFP.
Mathias Vicherat et la réalisatrice Anissa Bonnefont ont comparu devant le tribunal correctionnel de Paris le 24 octobre dernier pour des violences dont ils s'accusaient mutuellement. Les conseils du premier ont indiqué qu'ils faisaient appel quand les avocats de la seconde ont dénoncé une décision "inacceptable".
Placés en garde à vue en décembre 2023, les deux quarantenaires n'avaient pas porté plainte mais une enquête avait été ouverte par le parquet. A l'époque, des étudiants avaient occupé Sciences Po pour réclamer la démission de Mathias Vicherat et il s'était mis en retrait provisoire. Il a démissionné en mars, au moment où il a appris sa convocation au procès.
Après un mois de délibéré, le tribunal a mentionné avoir pris en considération "le contexte d'une relation particulièrement dysfonctionnelle depuis de nombreux mois", en précisant que Mathias Vicherat avait "régulièrement subi les violences de (sa) compagne".
Le tribunal l'a condamné pour violence sans incapacité totale de travail (ITT) par conjoint, pour avoir étranglé sa compagne en juillet 2023, mais il a été relaxé de poursuites pour violence avec ITT supérieure à 8 jours (50 jours) qui correspondaient à une fracture du poignet en tentant de saisir le téléphone qu'elle tenait le 30 septembre 2023.
"Il est avéré que (ces) blessures ont été occasionnées au cours d'une très forte dispute de couple" lors de laquelle Anissa Bonnefont "a reconnu avoir été violente", a déclaré le président du tribunal, ajoutant que les éléments étaient "insuffisants pour caractériser" l'infraction et "le lien de causalité, les blessures pouvant résulter de plusieurs comportements distincts". Le tribunal a aussi autorisé une non-inscription au casier judiciaire de M. Vicherat.
La prévenue a quant à elle été reconnue coupable de violences avec ITT supérieure à 8 jours (30 jours d'ITT psychologique), durant l'année 2023, pour lui avoir donné des "gifles", ainsi que pour violences avec ITT inférieure à 8 jours pour lui avoir donné des "gifles et coups de poing" le 3 décembre.
Une interdiction de contact mutuel pendant trois ans a été prononcée avec exécution provisoire, c'est-à-dire application immédiate.
La défense de Mathias Vicherat a indiqué qu'il allait faire appel "parce qu'il n'est pas à moitié innocent, il est complètement innocent". "Nous sommes très satisfaits de la relaxe sur l'une des infractions, puisqu'avec force nous expliquons depuis le départ qu'en aucun cas il ne lui a jamais cassé le poignet. En revanche, c'est compliqué pour nous cette condamnation pour un étranglement que nous contestons, nous la trouvons extrêmement sévère", a déclaré Me Louise Bouchain.
"Mathias Vicherat est reconnu coupable de violences conjugales malgré ses dénégations", ont réagi les conseils de Mme Bonnefont, Mes Guillaume Barbe et Sébastien Schapira. "Par une défense brutale rappelant la pire sémantique patriarcale, il a obtenu en 2024 en France qu'on puisse juger que casser le poignet d'une femme n'a pas d'importance, ce qui rend la décision inacceptable", ont-ils ajouté.
Lors du procès, le parquet avait requis six mois d'emprisonnement avec sursis contre les deux prévenus, estimant qu'il n'était "pas le rôle de la justice de savoir à qui revient la faute de cette catastrophe conjugale". Les deux prévenus avaient détaillé tour à tour un quotidien de couple ponctué de disputes "quasi-quotidiennes" qui pouvaient durer "jusqu'à douze heures".
L'énarque Mathias Vicherat, 46 ans, papa d'un petit garçon né de sa relation passée avec Marie Drucker, avait contesté toute violence, disant avoir été enfermé dans une "relation toxique" où il vivait "sous une pression permanente". La réalisatrice de 42 ans avait reconnu plusieurs gifles, mais elle avait nié avoir donné des coups de poing et de pied, décrivant une "sensation de vampirisation", un manque d'estime de son conjoint qui la "dévalorisait".