5e vague de la Covid-19 : Des médecins obligés de faire un tri, un sujet tabou
Publié le 1 février 2022 à 12:53
Par Samya Yakoubaly | Rédactrice
Cinéphile, elle adore regarder des bande-annonces et des moments historiques à la télévision. Le prochain James Bond ou le discours d’investiture de Barack Obama lui donnent les mêmes frissons.
Le milieu de la réanimation est plus qu'éprouvé après deux années de pandémie. "Le Monde" braque son projecteur sur les décisions difficiles que les médecins doivent faire alors que le nombre de lits n'est pas extensible et qu'il entraîne des dilemmes. Des choix avec un seul objectif, soigner au mieux tous les patients.
5e vague de la Covid-19 : Des médecins obligés de faire un tri, un sujet tabou
Visite du Premier ministre Jean Castex aux urgences de l'hôpital Cochin pendant le réveillon du Nouvel An à Paris Le Premier ministre Jean Castex aux urgences de l'hôpital Cochin pendant le réveillon du Nouvel An à Paris à Paris, France, le 31 décembre 2021. Le Premier ministre, Jean Castex, et le ministre de la Santé, Olivier Véran ont visité le service de réanimation de l'Hôpital intercommunal de Créteil et ont discuté avec le personnel médical à Créteil le 28 décembre 2021. Les urgences de l'hôpital Cochin pendant le réveillon du Nouvel An à Paris à Paris, France, le 31 décembre 2021 Les urgences de l'hôpital Cochin pendant le réveillon du Nouvel An à Paris à Paris, France, le 31 décembre 2021.
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Depuis près de deux ans, la pandémie rythme le quotidien du monde entier. La France déplore plus de 130 000 morts depuis le début de l'épidémie. Aujourd'hui, la population française est face à la cinquième vague dont le pic commence à s'éloigner. Le Monde dresse un état des lieux sanitaires en France, en donnant la parole aux praticiens sur le terrain dans les services de réanimation et les choix difficiles qu'ils doivent faire, un sujet tabou.

D'après l'enquête du Syndicat des médecins réanimateurs sur le tri des patients éligibles à la réanimation, 40 % des répondants déclarent avoir été "amenés à refuser des patients qui auraient dû être pris en charge en réanimation et ne l'ont pas été du tout", "au cours des huit derniers jours". Pour ces trente-sept médecins, le phénomène touche autant des malades atteints par le Covid-19, que ceux qui ne le sont pas, avec, en moyenne, près de huit patients concernés. "Des médecins sont obligés de faire des choix en raison du manque de places, soutient le docteur Djillali Annane, à la tête du Syndicat des médecins réanimateurs. Cela fait partie du prix à payer de l'épidémie et d'une telle mise sous tension de l'hôpital, en laissant circuler le virus ; il est important d'en avoir conscience et de le reconnaître."

Un discours difficile à entendre mais réel et qui existe en temps normal comme le rappelle Guillaume Thiery, professeur de médecine intensive-réanimation au CHU de Saint-Etienne : "En temps normal, nous effectuons une priorisation ou un 'tri' tous les jours. Effectuer un séjour en réanimation, avec des méthodes invasives comme l'intubation, n'a rien d'anodin. Chaque service examine, avant d'admettre ou de refuser un patient, le bénéfice qui peut en être espéré, en fonction de son état, de ses comorbidités, de son âge, de son niveau d'autonomie..." Mais la cinquième vague transforme cette question en dilemme difficile à cause du nombre insuffisant de lits. Cependant, il ne s'agit pas d'un refus "massif", mais d'une sélection "plus sévère" et que les malades au "bénéfice certain" d'un placement en réanimation ont toujours trouvé une place.

Une autre question a émergé avec la cinquième vague : le statut vaccinal dans les décisions. Les discussions du comité éthique au niveau départemental de la Loire ont abouti, dans la droite ligne de la position prise par la Société française d'anesthésie et de réanimation, à la conclusion que ce statut vaccinal n'avait pas à être pris en compte dans l'admission en réanimation, lit-on dans Le Monde.

La sélection a été plus stricte ces dernières semaines, reconnaît à Marseille, le chef de service à l'hôpital Nord, Jean-Marie Forel, avec des patients qui auraient été admis en temps normal et qu'il a refusés, afin de garder des lits pour des malades avec un meilleur pronostic : "Cela est arrivé, au cas par cas, uniquement pour des personnes d'un très grand âge, avec beaucoup de comorbidités, qui avaient des chances jugées extrêmement faibles de s'en sortir."

Au SAMU du CHU de Grenoble, le médecin anesthésiste réanimateur Raphaël Briot le résume dans une formule simple : "On prend des décisions qu'on ne prendrait pas si on était moins tendu, mais c'est toujours pour des patients qui sont au bout du bout. En temps normal, même si, pour un patient, on n'y croit pas trop, on lui donne sa chance, on préfère toujours faire un petit plus, qu'un petit peu moins, le doute bénéficie au patient. Là, on est plus regardant." D'autres situations entraînent des malades à être admis dans des structures qui ne font pas de réanimation en temps normal. "C'est une prise en charge dégradée, s'inquiète le chef adjoint du service de réanimation. On sait que cela induit des pertes de chance, cela a été démontré lors des précédentes vagues", alerte le réanimateur Michel Slama du CHU d'Amiens. Emmanuel Hirsch, professeur d'éthique médicale à l'université Paris-Saclay, souhaite mettre cette question taboue du tri sur la table : "Ce sont des choix vitaux qui interrogent nos valeurs, la justice dans l'accès aux soins, c'est un enjeu démocratique." Quand il sera l'heure de faire le bilan de la crise sanitaire, les autorités devront s'interroger sur les conséquences de cette épineuse question.

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