Fred & Farid à Darkplanneur : On sentait le tabac, on était gros, sans argent...
Publié le 5 juillet 2012 à 21:37
Par Guillaume J.
We are animals, vidéo de la campagne Wrangler par Fred & Farid, Grand Prix Presse 2009
Schweppes et Nicole Kidman, une des récentes grosses réussites du Fred & Farid Group
Orangina, le mix de la saga animale par Fred & Farid
Société Générale So Music 2011, des loups fans de beatbox, par Fred & Farid.
Fred & Farid dans le Cabinet des Curiosités n°50 de Darkplanneur (Eric Briones). Un anniversaire pour le Cab placé sous le signe de la créativité.
Fred & Farid dans le Cabinet des Curiosités n°50 de Darkplanneur (Eric Briones). Un anniversaire pour le Cab placé sous le signe de la créativité.
Fred & Farid dans le Cabinet des Curiosités n°50 de Darkplanneur (Eric Briones). Un anniversaire pour le Cab placé sous le signe de la créativité.
Fred & Farid dans le Cabinet des Curiosités n°50 de Darkplanneur (Eric Briones). Un anniversaire pour le Cab placé sous le signe de la créativité.
Fred & Farid dans le Cabinet des Curiosités n°50 de Darkplanneur (Eric Briones). Un anniversaire pour le Cab placé sous le signe de la créativité.
Fred & Farid dans le Cabinet des Curiosités n°50 de Darkplanneur (Eric Briones). Un anniversaire pour le Cab placé sous le signe de la créativité.
La suite après la publicité

En attirant hors de leur tanière et pour ainsi dire off work les deux fauves les plus indomptables de la jungle publicitaire parisienne, Darkplanneur devait bien se douter que les responsables de la campagne We Are Animals pour Wrangler et de la revitalisation bestiale d'Orangina laisseraient libre cours à leur instinct. Voire leurs bas instincts, s'agissant de tirer le portrait du maître de cérémonie pour le numéro anniversaire (n°50) de son Cabinet des Curiosités.

F&F comme "fuck oFF" : cool ou pas cool ?

Un risque - pas le premier du Cab et plus qu'un simple "coup de pub" - évidemment assumé, une profession de foi, même : en invitant le duo Fred & Farid (Schweppes - avec Nicole Kidman -, Diesel, Société Générale - la campagne So Music avec les loups fans de beatbox, c'est eux !-, McVities), malins génies de la pubosphère, à se prêter à l'exercice de l'interview psychanalytique contemporaine, c'est bien sous le signe de la créativité über alles qu'Eric Briones alias Darkplanneur, inventeur du concept et praticien désormais aguerri, a souhaité franchir ce cap symbolique vers toujours plus de rencontres avec ceux qui font l'actu, la captent ou la décryptent. Le pitch entre les mains, Frédéric Raillard et Farid Mokart, ex-têtes chercheuses de l'agence Marcel (Publicis) partis faire l'école buissonnière et secouer vigoureusement le milieu avec l'indé Fred & Farid Group (mutation de FFL Paris après le départ de Christophe Lambert, qui compte aujourd'hui 200 collaborateurs, 5 agences - Fred & Farid Paris, Kids Love Jetlag, Furious Monkeys, Eddi&Son et Hello Sunshine - et revendique 44 millions d'euros de CA), balancent une reco pas piqué des hannetons, 100% second degré : "Dans les gens qu'on a placés dans des agences, un peu ce que faisaient le KGB et la CIA en se plaçant des espions-taupes, nous, on a Darkplanneur. Il nous informe sur tout. C'est un mec bien, il balance toute l'information. Il déteste la pub, il est plus à l'aise dans la réinvention du journalisme. Il est plutôt doué dans le mode interview. Il aime pas les réseaux. Grâce à nous, on lui a acheté, quoi, une moto Guzzi. Il a acheté ce studio. Le mec se porte bien. Nous, on ne va dire que du bien de Darkplanneur." Un antiportrait en antipasto, qui ne manque pas de piment pour qui connaît un tant soit peu Darkplanneur, électron libre en plein coeur d'une révolution digitale. Le tandem d'irréductibles créa face au créateur de curiosité sur le web, ça pique effectivement la curiosité.

Voilà qui pose bien l'ambivalence des deux enfants terribles de la publicité, terriblement complices et complémentaires, à la fois loués et controversés, multiprimés et détestés (lien de cause à effet ?). Un phénomène d'attraction-répulsion, "image très cool/image de duo salaud", que Darkplanneur ne manque pas de questionner : "Tout le monde a deux réputations, celle fabriquée par ceux qui vous aiment, et celle fabriquée par ceux qui vous aiment pas. Les deux coexistent en même temps, on n'échappe pas à la règle. Maurice Levy [leur ancien boss chez Publicis, NDLR] non plus, d'ailleurs, n'échappe pas à la règle", analyse Fred, blague ("on fait peur c'est parce qu'on a tué quelqu'un, mais sinon...") à part. Et de préciser : "L'agence est passée en 4 ans de 4 personnes à 200, et il y a 40 marques. Donc ça agace, il faut que ça s'exprime. Il vaut mieux que ça s'exprime. Il faut purger toute la jalousie (...) Ce qui est génial, et c'est ça le côté un peu fuck off et qui énerve un peu, c'est qu'on n'a de comptes à rendre qu'à nos clients."

"Après la vie... c'est Johnny !"

Et de pointer, aussi, une spécificité française : "On défonce les agences indépendantes au lieu de défoncer les réseaux. En Angleterre, quand tu as une indépendante qui réussit, elle se fait encenser par le marché, par la presse. C'est possible de pas faire de lobbying et de changer la donne. En France, le truc des Français, c'est qu'ils mettent tellement de temps à aimer quelqu'un, quand ils l'aiment, c'est pour la vie, et après la vie... c'est Johnny ! Allez, on aime Johnny, on va l'accompagner, et cent ans après sa mort, on dira "Johnny !", quoi." Foin du parisianisme, Fred & Farid ont une culture mondiale, construite au gré de leurs aventures (en Angleterre, à San Francisco...), et ont déjà largement tourné leur activité vers l'international. D'ailleurs, Fred & Farid, comme tous les invités du Cabinet des Curiosités (d'Olivia Ruiz à François Hollande, de Marc Dorcel à Philippe Besson...), ne sont pas venus sans actu : un an après avoir pris ses nouveaux quartiers parisiens rue de la Victoire, le Fred & Farid Group, en écho au fait que 70% de ses marques "rayonnent en dehors de la France", effectue son premier développement à l'international en prenant possession de 1000 m2 à Shanghai, dans un ancien entrepôt d'opium du début du XXe siècle, où sous la houlette de Feng Huang et Grégoire Chalopin. Un challenge culturel et un désir de dialogue avant que d'être un projet business, comme l'explique avec flamme Fred lorsque Darkplanneur s'interroge ("Vous n'allez pas jouer avec les droits de l'Homme et la politique ?!") sur les possibilités de révolution publicitaire en Chine : "Il y a un truc qui est assez beau - parce que même la pub peut être belle -, on va essayer de bridger les deux agences : on va mettre 24 écrans pour relier 24/7/365 les deux agences, on va embaucher beaucoup de Chinois à Paris aussi, et on va faire en sorte que les créatifs de Chine aient accès aux briefs parisiens, ça va être super pour attirer des talents, et inversement, que les gens chez nous à Paris pourront bosser sur les briefs chinois ou aller là-bas sur des pitchs. Un truc vraiment singulier et intéressant, fort." (Tous les détails du projet sont dévoilés sur le média du groupe, bckstg.net.

"On n'a pas besoin d'implants, de catogans, de mettre le nez dans la coke, de porter des pantalons en cuir le vendredi pour se donner l'impression d'être jeunes. On s'en fout." (Farid, créatif, créateur de punchlines)

Son statut poil à gratter, le tandem l'assume pleinement et il n'hésite pas à jouer : "Fred et Farid, c'est une espèce d'avatar qui fonctionne super bien dans un certain milieu, auprès de certaines personnes, qui fait peur aux bonnes personnes et nous ramène les bonnes personnes, une espèce de sculpture qu'on a fait ensemble dans une espèce de microcosme bourgeois et blanc qui a la forme d'un nombril. C'est pas nous, c'est une partie de nous, un déguisement qu'on met."

Position qui ne fait rien pour attirer le consensus dans un petit monde vu par le grand monde comme un bocal infesté de requins. "Je conçois que ça puisse énerver. On aime être des communicants, on aime la publicité, c'est pas un choix par défaut. On a tellement décrié cette profession que les gens le font par défaut et qu'on est peut-être les seuls sur ce marché à dire qu'on a beaucoup de plaisir à le faire et qu'on aime beaucoup ce qu'on fait", revendique Farid, passionné dans son métier d'artisan comme dans son rôle de révolutionnaire : "On a créé notre système autarcique, qui dépend du boulot qu'on peut faire avec les clients. On n'a pas besoin de se faire des implants, de catogans, de mettre le nez dans la coke, de porter des pantalons en cuir le vendredi pour se donner l'impression d'être jeunes. On s'en fout. On préfère investir dans des rencontres et des projets. Ça fait 20 ans qu'on fait ça de manière origamique." Ça, c'est plié. Si passionné, d'ailleurs, qu'il est difficile pour Fred, plus posé et porté sur la dérision quand Farid assène des punchlines dignes d'un rappeur ("On n'est pas bourgeois et blancs, on est blacks et riches", "Tu sais quoi, je vais même te donner mon prénom, Farid, comme ça quand tu passes à la douane tu prends ton toucher rectal"), d'en placer une quand son acolyte est lancé et dézingue gaiement, s'en prenant scrupuleusement aux technocrates à l'oeuvre dans le secteur, une "escroquerie" : "Normalement, toutes les agences devraient être pilotées par des créatifs. Au lieu de ça, on voit des mecs en costume-cravate qui n'ont jamais trouvé une idée, qui savent même pas comment on fait un film, ce que c'est qu'une mécanique créative (...) Pas de respect pour ce modèle caricatural, on a envie de les mettre en boule et de jouer au foot avec eux (...) C'est un truc de passion. La victoire, c'est un discours de commercial en costume-cravate, on s'en fout de la victoire, à un point que vous ne pouvez pas imaginer. Ce qu'on veut, nous, c'est trouver le meilleur truc. On est des artisans. On a envie de faire la plus belle sculpture. Quand on laisse des commerciaux faire une sculpture, ça s'appelle un bronze, et on en fait tous les matins. L'essence, c'est l'idée même."

"Taxez-nous, taxez-nous autant que vous voulez du moment qu'on rend la vie en société supportable"

Prompt à allumer en beauté, Farid résumera joliment et positivement le credo créa qui anime viscéralement le duo : "On connaît la valeur des idées", assure-t-il en prenant l'exemple d'Orangina pour cas d'étude. "Quand on fait Orangina et qu'on passe d'une décroissance à une croissance à deux chiffres, derrière c'est plus de pognon pour la marque, plus d'emplois ; on le fait pas en se disant ça, mais on connaît la valeur des idées."

Et à propos de pognon et d'emploi, quid du nouveau gouvernement et de la controversée "taxe Fouquet's" ? "On est philosophes, fait valoir Fred. Il existe des inégalités qui ne pourront pas tenir longtemps. Les systèmes ne sont pas pérennes quand ils créent autant de différences et d'exclusion. Il faut être nature : passer par quelques années où on va se faire taxer à fond - concrètement, nous et notre entreprise, on va se faire beaucoup, beaucoup taxer -, on va le faire avec beaucoup de joie, parce que c'est nécessaire." Quant à Farid, s'il déplore le grand vide qui a dupé tout le monde de la campagne présidentielle du candidat Hollande, il souhaite au président Hollande de "réparer" ce que "le petit a cassé avant de partir". Et suit son compère sur la voie de la solidarité nécessaire : "On s'est construit sur l'écosystème qu'on a monté nous-mêmes. Tant mieux. Après, c'est tellement insupportable de se dire que tu peux t'enrichir en voyant des gens avec des cartons dans la rue ou qui après plus de trente ans retournent avec femme et enfants chez leurs parents parce qu'ils ne peuvent plus payer leur loyer, c'est tellement aberrant que bien sûr, taxez-nous, taxez-nous autant que vous voulez du moment qu'on rend la vie en société supportable. On n'a pas de problème avec ça."

"On sentait le tabac, on était gros, on n'avait pas d'argent. Maintenant..."

Après tout, eux aussi sont pères de famille. A les savoir publicitaires, on en oublierait presque qu'ils peuvent avoir une vie rangée des briefs. "On a cinq enfants, chéri", s'amuse Fred, qui raconte avec un brin d'émotion : "Deux belles personnes (Jane et Lucia) qui nous ont choisi à un moment où c'était pas facile de nous choisir. Qui s'en foutaient de la pub. On sentait le tabac, on était gros, on n'avait pas d'argent. Maintenant, il y a cinq enfants..." Et encore plein de petits publicitaires à venir, élevés au grain de ces deux étonnants BF(&)F.

Guillaume Joffroy

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