La plainte déposée par Dina B., 32 ans, marque l’aboutissement d’un long parcours de silence et de peur selon Libération dans son édition du jour. Dans son dépôt, elle évoque un cycle d’emprise débuté en 2018, peu après sa rencontre avec Ken Samaras, alias Nekfeu, rencontré fin 2017. Selon elle, derrière l’image publique d’un artiste engagé se cachait un conjoint violent, capable de pressions psychologiques et d’atteintes physiques et sexuelles.
Dans le journal, Dina B explique avoir déposé une première main courante en décembre 2022 pour des faits de vols et de violences, sans parvenir à aller plus loin, "trop tôt, trop lourd", confie-t-elle à Libération. L’enquête est classée sans suite en septembre 2023. Mais en mars 2024, alors que leur divorce est prononcé, elle affirme avoir enfin trouvé la force de briser le silence et de constituer un dossier conséquent. Plus de 3 700 pages d’éléments remis à la justice, un volume rarement atteint dans les affaires de violences conjugales selon ses avocats. "J'ai mis du temps avant de poser le mot 'viol'", déclare-t-elle.
Les documents remis à la justice et consultés par Libération dessinent un mode opératoire répétitif, mêlant rapports sexuels imposés et violences verbales. Dina B. décrit des pénétrations alors qu’elle dormait, et des refus systématiquement ignorés. Une nuit en octobre 2020, une amie atteste qu'elle aurait entendu Dina dire "non" à plusieurs reprises. "On le faisait souvent dès le réveil, mais à plusieurs reprises, il m’a pénétrée lorsque j’étais encore endormie. (...) Dès que je formulais un 'non', il n’était jamais respecté", déclare-t-elle.
Certains échanges numériques mettraient en évidence une propension de Ken Samaras à franchir les limites. Dans un message, il confie : "J’ai envie de te baiser dix fois d’affilée, que tu me dises non tellement t’en peux plus, et que je te force". Dina B. affirme qu’il ne s’agit pas d’un fantasme isolé, mais d’un comportement répété, jusqu’à la grossesse de leur enfant.
Au-delà des accusations de viols, Dina B. dénonce des manipulations psychologiques, menaces, violences physiques et contrôles coercitifs. Elle cite des messages que le rappeur lui-même à décrit comme des "tirages de cheveux", "jeter une poubelle à la figure" ou des menaces contre ses proches.
En septembre 2024, la jeune femme porte également plainte pour violences sur mineur, affirmant que leur enfant a été frappé. Bien que cette procédure ait été classée sans suite, elle s’est constituée partie civile et conteste la garde principale obtenue par le rappeur en mars 2024.
Contacté par Libération, Nekfeu n’a pas souhaité réagir. Son avocate, Me Marie Alix Canu-Bernard, parle "d’allégations mensongères" que son client "dément dans leur intégralité" et assure qu’il "réservera ses réponses aux seules autorités légitimes à les lui poser". Après deux jours d’audition, Ken Samaras est ressorti libre mardi soir, l’enquête préliminaire se poursuivant sous l’autorité du parquet de Paris.
Les avocats de Dina B., maîtres William Bourdon, Rebecca Royer et Hannah Kopp, affirment de leur côté que "compte tenu des charges très convaincantes pesant sur Monsieur Samaras, nous attendons du parquet de Paris de prendre une décision appropriée à l’intensité des éléments probatoires existants".
Nekfeu reste présumé innocent jusqu'à clôture définitive du dossier.