Cinquante-quatre ans après sa mort, Jim Morrison fait encore parler de lui. En mai dernier, la brigade financière et anticorruption de la direction de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris a communiqué une surprenante annonce. Alors qu’elle menait une perquisition diligentée dans une affaire d’escroquerie, elle a retrouvé le buste du chanteur des Doors qui avait été volé en 1988 au cimetière du Père-Lachaise (Paris XXe) ! Cette massive sculpture avait été réalisée par l’artiste croate Mladen Mikulin et installé sur sa tombe pour les dix ans de la mort de Morrison. Un mois avant cette découverte, le natif de Floride créait déjà l’évènement. En effet, en avril, la passerelle parisienne située à hauteur de la rue Mornay (Paris IVe) et reliant le boulevard Bourdon au boulevard de la Bastille a adopté une nouvelle dénomination : celle de Jim Morrison. Un bel hommage pour cet artiste, chanteur, cinéaste et poète américain surnommé “le Roi Lézard” qui a passé les quatre derniers mois de sa vie dans la capitale.
© Abaca Press, Alamy/ABACA
Morrison était arrivé en France en mars 1971, juste après avoir fini l’enregistrement du sixième album des Doors, L.A. Woman. Admirateur des poètes de notre pays et de sa culture, Jim Morrison avait quitté Los Angeles pour rejoindre sa compagne Pamela Courson (24 ans), étudiante en art américaine et fille de militaire comme lui. En France, Jim voulait se consacrer à la poésie et réduire sa consommation d’alcool. Fâché avec les Doors, condamné en septembre 1970 à huit mois de prison ferme et 500 dollars d'amende pour “outrage aux bonnes mœurs” et “exhibition indécente” lors d’un concert à Miami, l’artiste voulait prendre un nouveau départ.
À Paris, il fréquente l'actrice Zouzou, le journaliste Hervé Muller ou les réalisateurs Jacques Demy et Agnès Varda, alors en couple. Après avoir habité à l’hôtel George V (VIIIe) et à l’Hôtel de Nice (VIe), il s’installe avec Pamela Courson au 17 rue Beautreillis, dans le Marais. Sur place, l'ancien sex symbol, désormais alcoolique et obèse, aime se balader place des Vosges, sur l’île Saint-Louis, déambuler sur les quais, parler aux bouquinistes ou aux libraires de Shakespeare et Company … et commander des bouteilles de vin blanc, se saouler au bar le Rosebud ou passer ses nuits au Rock’n’Roll Circus, une boîte de nuit. Autant dire que ses bonnes résolutions ne résistent pas longtemps face aux tentations de la Ville-Lumière !
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Le 2 juillet 1971, Jim Morrison boit toute la journée en compagnie de son ami, Alain Ronay. En fin de journée, le journaliste le quitte pour rejoindre la chanteuse Marianne Faithfull avec qui il doit dîner. Après avoir dîné, le chanteur retrouve Courson et ils vont voir au cinéma le film La Vallée de la peur. De retour dans leur petit appartement du 17-19 rue Beautreillis, ils écoutent de la musique. Vers 3h30 Pamela indiquera à la police : “J'ai été réveillée par le bruit que faisait mon ami en respirant […] j'avais l'impression qu'il étouffait […] Il s'est réveillé et m'a dit qu'il se sentait bien et ne voulait pas voir de médecin.” Jim vomit du sang à plusieurs reprises et veut prendre un bain. Pamela se recouche. Quelques minutes après, elle le trouve mort dans sa baignoire. Arrivée sur place, Agnès Varda appelle les pompiers. Il aurait manifestement succombé à des troubles coronariens aggravés par l'abus de boisson alcoolisées. Mais, dans les années qui ont suivi, la thèse d’une overdose à l’héroïne sera privilégiée.
Grâce aux contacts d’Agnès Varda, Jim Morrison est enterré dans la division 6 du cimetière du Père-Lachaise qu’il aimait tant arpenter, pas loin de la tombe de son idole, le poète anglais Oscar Wilde. En apprenant sa mort, le manager américain des Doors, Bill Siddons, saute dans un avion. Mais le cercueil est déjà clos quand il arrive. Morrison étant fâché avec sa famille et son groupe et condamné aux Etats-Unis, Pamela Courson a pris sur elle de le faire inhumer à Paris. La police n'a pas ordonné d'autopsie. Selon un critique musical interrogé par RTL, le gouvernement français a décidé de le faire enterrer à la hâte : “Jimi Hendrix et Janis Joplin étaient morts peu avant et il y avait eu des émeutes. Le ministre de l’Intérieur de l’époque n’avait aucune envie de nouvelles manifestations rock n’roll en plein Paris.” Voilà pourquoi, depuis 54 ans, le plus “rock n’roll” des résidents du Père-Lachaise se nomme Jim Morrison.
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