La reine mère de Thaïlande, Sirikit Kitiyakorn, est décédée à l’âge de 93 ans, a annoncé samedi le Bureau de la Maison royale thaïlandaise. Épouse du défunt roi Bhumibol Adulyadej, qui a régné sur la Thaïlande pendant 70 ans, elle était la mère de l’actuel monarque, Maha Vajiralongkorn, également connu sous le nom de Rama X. "L'état de santé de Sa Majesté s'est dégradé jusqu'à vendredi et elle est décédée à 21h21 à l'hôpital Chulalongkorn" à Bangkok, a indiqué le palais dans un communiqué
Sirikit n’était plus apparue en public depuis un accident vasculaire cérébral survenu en 2012. "J'avais entendu qu'elle n'allait pas bien, et comme elle avait plus de 90 ans, je savais que ce jour viendrait (...) Je me sens triste car elle était une figure maternelle pour le pays, et maintenant elle n'est plus là", a confié à Bangkok une employée de maison de 53 ans prénommée Sasis Putthasit selon Paris Match.
Son mari, le roi Bhumibol Adulyadej, fut le monarque ayant régné le plus longtemps en Thaïlande, occupant le trône pendant sept décennies à partir de 1946. Elle fut à ses côtés durant la majeure partie de cette période, gagnant le cœur des Thaïlandais grâce à son engagement caritatif.
Lors de leurs voyages à l’étranger, elle séduisait également les médias internationaux par sa beauté et son sens de la mode. Le général de Gaulle la considérait même comme "la plus belle reine du monde". Lors d’une visite aux États-Unis en 1960, qui comprenait un dîner d’État à la Maison-Blanche, le magazine Time la qualifia de "svelte" et d’"archiféministe". Le quotidien français L’Aurore la décrivit comme "ravissante".
Née en 1932, l’année où la Thaïlande est passée d’une monarchie absolue à une monarchie constitutionnelle, Sirikit Kitiyakara était la fille de l’ambassadeur de Thaïlande en France et mena une vie de richesse et de privilèges. Pendant ses études de musique et de langues à Paris, elle fit la rencontre de Bhumibol, qui avait passé une partie de son enfance en Suisse. Le couple passa du temps ensemble à Paris et se fiança en 1949. Ils se marièrent en Thaïlande un an plus tard, alors qu’elle n’avait que 17 ans.
Toujours élégante, Sirikit collabora avec le couturier français Pierre Balmain pour créer des tenues remarquables en soie thaïlandaise. En soutenant la préservation des techniques de tissage traditionnelles, elle contribua à redynamiser l’industrie de la soie en Thaïlande. Pendant plus de quatre décennies, elle accompagna fréquemment le roi dans des villages isolés, promouvant des projets de développement destinés à améliorer la vie des populations rurales.
Elle fut brièvement régente en 1956, lorsque son mari passa deux semaines dans un temple pour étudier afin de devenir moine bouddhiste, un rite de passage courant en Thaïlande. En 1976, son anniversaire, le 12 août, devint la fête des mères et un jour férié national.
Son fils unique, désormais roi Maha Vajiralongkorn (Rama X), a succédé à Bhumibol après sa mort en 2016. Lors de son couronnement, en 2019, Sirikit reçut officiellement le titre de reine mère.
En 1998, elle utilisa son discours d’anniversaire pour exhorter les Thaïlandais à s’unir derrière le Premier ministre de l’époque, Chuan Leekpai, infligeant un coup fatal aux plans de l’opposition qui espérait provoquer des élections anticipées. Plus tard, elle manifesta sa sympathie envers le mouvement royaliste Alliance populaire pour la démocratie (PAD), dont les manifestations ont contribué à la chute de gouvernements alliés à l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, un magnat des télécommunications populiste.
En 2008, Sirikit assista aux funérailles d’un manifestant du PAD tué lors d’affrontements avec la police — un geste interprété comme un soutien royal à ce mouvement, qui avait contribué à renverser un gouvernement pro-Thaksin un an plus tôt. Pour de nombreux Thaïlandais, elle restera dans les mémoires pour son travail caritatif et comme un symbole de vertu maternelle. Sa disparition sera accueillie avec une grande révérence dans un pays où toute critique à l’égard de la monarchie demeure étroitement encadrée par les lois de lèse-majesté, qui prévoient de lourdes peines de prison pour toute insulte envers les membres de la famille royale, même défunts.
Elle laisse dans le deuil son fils, le roi Rama X, ainsi que ses trois filles.

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