Triste date que ce mercredi 16 septembre 2015. La France apprenait la disparition de Guy Béart dans sa maison de Garches, au sortir d’un rendez-vous chez son coiffeur. Il avait 85 ans. Aussitôt, artistes et politiques ont tenu à rendre hommage à l’auteur-compositeur-interprète qui avait fait danser l’Hexagone pendant plus de cinquante ans. "Ses refrains sont sur les lèvres des Français de toutes générations, déclarait l’Élysée dans un communiqué envoyé à l’Agence France Presse. Cet ingénieur des Ponts avait voulu construire, avec ses chansons, un monde plein de fantaisie et de poésie."
Alors président de la République, François Hollande saluait "une œuvre immense" et adressait ses plus sincères condoléances à la famille de l’artiste et notamment à ses filles, Eva et Emmanuelle Béart. Le Premier ministre Manuel Valls écrivait sur X : "Un grand chanteur, un morceau de notre culture populaire, nous quitte. Avec lui, c’est une part de notre gaieté qui s’en va", tandis que la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, saluait un musicien "insensible aux modes et peu enclin aux compromis lorsqu’il s’agissait de défendre ce qui lui était cher, ce qu’il croyait juste. Guy Béart nous laisse des chansons dont l’un des charmes était aussi de donner à penser."
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Côté chanteurs, la tristesse était unanime. Alain Souchon évoquait sur l’antenne de RTL "des musiques qui avaient l’air d’avoir existé depuis toujours. Ça rentrait dans la tête instantanément, (…) ça y restait comme les comptines de nos enfants." Les compositions de Guy Béart étaient également applaudies par Julien Clerc, qui rendait hommage à un "mélodiste de génie". "Ce sont des chansons faussement simples et dont on se rend compte quand on doit les jouer qu’elles ne sont pas aussi simples qu’elles paraissent", déclarait le chanteur sur les ondes d’Europe 1. "Ça me met de très mauvaise humeur de voir disparaître Guy Béart, ajoutait Juliette Gréco sur cette même radio. Grand poète avant-gardiste, Guy Béart parlait à la fois de politique et d’amour. Il a traité à peu près tous les sujets de manière magistrale. À sa manière à lui. Il a son langage à lui. C'est un bienfaiteur de l’humanité, vraiment."
Alors en route pour Genève, Emmanuelle Béart fera immédiatement demi-tour en apprenant la disparition de son papa pour rejoindre la maison de famille à Garches (région parisienne). Scrutée par les médias pendant de longues semaines, l’actrice mettra un certain temps avant d’évoquer la perte de cet être si cher à son cœur. Il faudra attendre le jour de l’inhumation de l’artiste pour que l’interprète de Manon des sources prenne la parole publiquement. Sur Instagram, l’ex-femme de Daniel Auteuil décidait de jouer la carte de la sobriété en diffusant une photo du visage de son célèbre père, en noir et blanc, avec pour légende ces quelques mots qui ont fait se soulever bien des pouces : "Notre papa a fait sa grande valise."
Il faudra attendre près de cinq ans avant qu’Emmanuelle Béart n’évoque plus longuement sa relation si particulière avec l’interprète de L’eau vive, qu’elle définissait comme un homme "enfermé dans sa tour d'ivoire" auprès des journalistes du Parisien, aujourd’hui en France. Un homme isolé délibérément, donc, mais qui "restait perméable au monde" : "L'important, c'est que je l'ai vu heureux, accompli, soulignait l’actrice dans le quotidien. Il a eu ce qu'il a construit et détruit. C'était un anarchiste et un solitaire. Il s'était retiré, refusait tout, n'était heureux qu'avec ses chats, ses cahiers, ses livres, ses films. C'est d'ailleurs lui qui nous a fait découvrir et aimer le cinéma. Il détestait la médiatisation, il n'allait à la télé qu'avec sa guitare."
Emmanuelle Béart confiait par ailleurs que même si "gamine, (elle était) un peu gênée de le voir déborder du cadre" parce qu’il "se foutait totalement de la bienséance", elle le "remercie aujourd'hui, de (lui avoir) montré cette résistance au formatage."
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Il faut dire qu’en termes de bienséance et du politiquement correct, Guy Béart faisait preuve d’une énorme liberté. Comme cette fois où, au micro de Frédéric Taddéï, dans Regarde les hommes changer (Europe 1) en octobre 2010, le grand-père de Nelly Auteuil révélait son amour incommensurable pour la vie dans le plus simple appareil. "Je ne suis pas nudiste, je suis naturiste, révélait le chanteur. Mon parrain, André Durville, avec son frère, a créé l'île du Levant (célèbre lieu naturiste NDLR), où j'allais à poil quand je n'étais pas célèbre. C'était très bien ! C'était pour le plaisir de respirer. Mais je n'y vais plus depuis que je suis connu parce que ça entraînerait trop de commentaires."
Un retrait de l’île naturiste qui n’empêchait pas Guy Béart de s’adonner à cette nouvelle passion à domicile, dans sa maison de Garches, non loin de Paris. "J'ai souvent reçu du monde au bord de la piscine à poil", ajoutait-il sur Europe 1, certain d’attiser la curiosité people de l’ancien animateur de Paris Dernière. "Pas tout le monde (d'invité, NDLR) ne s'est mis nu, précisait Guy Béart. Brassens, Aragon ne se sont pas mis nus. Mais Joan Baez, oui, dans les années 1970. Elle s'est mise toute nue très naturellement. Quelle belle femme ! J'en garde un souvenir très ému." De quoi surprendre et amuser son interlocuteur qui gardera en tête cette anecdote autant coquine que surprenante, deux adjectifs qui définissaient si bien le papa de La Belle Noiseuse....