Marion Cotillard : 'The Angelina Jolie of France', entre peur et reconnaissance

Deux César, un Oscar, des films réalisés par Tim Burton, Michael Mann, Christopher Nolan, Woody Allen : le parcours de Marion Cotillard semble irréel. Ajoutez à cela des campagnes divines pour Dior, où elle est transformée en icône, sans parler des couvertures de magazines où elle est sublimée : cette actrice française peut objectivement être catégorisée "à part". Son prochain coup d'éclat sera sur la Croisette, dans De rouille et d'os de Jacques Audiard, en lice pour la Palme. Un prix d'interprétation se profile d'ailleurs déjà à l'horizon. Télérama et The Hollywood Reporter lui ont consacré plusieurs pages et leurs couvertures. Extraits.

En tournage de la nouvelle réalisation de son compagnon Guillaume Canet, Blood Ties (remake des Liens du sang dans lequel Canet jouait déjà), Marion Cotillard vient d'arriver à Paris en provenance de New York, avec dans ses bras son fils Marcel. Elle entame la promotion de De rouille et d'os et sera d'ailleurs aux côtés de Marie Drucker pour le Journal inattendu samedi 12 mai sur RTL. Une promotion qui s'annonce intensive, et tous les médias se l'arrachent.

Le prestigieux Hollywood Reporter lui offre sa première page et la surnomme "The Angelina Jolie of France". Marion Cotillard, elle, se décrira plutôt comme la fille du Bronx français, à savoir Alfortville, commune du Val-de-Marne : "Je vivais dans un HLM. Je venais de la cité. C'est ce que je suis." Puis, la famille d'artistes que sont les Cotillard s'en va près d'Orléans, et celle qui ne savait pas quoi faire de sa vie et qui ne s'aimait pas quand elle était adolescente va se passionner pour la comédie.

The Dark Knight Dream ?

Personne nerefuserait un film à Christopher Nolan. Et Marion Cotillard a eu la chance d'en tourner non pas un, mais deux ! Après Inception, elle a retravaillé avec le cinéaste pour The Dark Knight Rises. Que les fans du comics Batman le sachent : elle ne joue pas la fille de Ra's Al Ghul, personnage incarné par Liam Neeson dans Batman Begins, mais ne sera "que" Miranda Tate, femme d'affaires concernée par les problématiques écologiques et qui va nouer une relation avec Bruce Wayne. C'est elle qui le dit à The Hollywood Reporter.

Cependant, tourner dans The Dark Knight Rises a été compliqué à gérer avec De rouille et d'os d'Audiard : "Si je quittais la Californie, à tout moment, je pouvais être rappelée : c'est ce qui est arrivé deux fois. Ce film d'Audiard, je lui ai vraiment fait une place en poussant les murs de Gotham City, la ville de Batman... A mon arrivée à Antibes, j'avais à peine quelques jours pour travailler avec les orques dans le Marineland. J'étais terrifiée, épuisée, j'avais mon bébé [Marcel, né de son union avec Guillaume Canet en mai dernier]. Tout le long du tournage, j'ai composé avec ma fatigue, je l'ai utilisée, pas moyen de faire autrement. Je m'endormais absolument partout" (Télérama). A The Hollywood Reporter, elle admet que le fait de n'avoir pas pu se préparer comme elle le voulait pour De rouille et d'os en raison de ses obligations contractuelles aux Etats-Unis était très frustrant, surtout qu'elle tient un rôle secondaire dans The Dark Knight Rises et avait donc techniquement le temps de se consacrer à une autre oeuvre.

Entre peur et reconnaissance

La peur, Marion Cotillard l'a souvent ressentie lors des tournages et elle relate celui de Minuit à Paris : "J'étais tellement impressionnée par Woody Allen que j'ai eu peur presque tout le temps. Il me semble que le personnage en a un peu souffert." La peur, elle l'a toujours et encore, notamment pour la nouvelle réalisation de James Gray, dont elle vient d'achever le tournage : "J'ai le rôle principal, je joue une immigrée polonaise dans le New York des années 1930. Je parle donc anglais avec un accent polonais, langue extrêmement compliquée à apprendre. Ça m'a donné des vertiges, littéralement." (Télérama).

Avec franchise, elle admet avoir un immense besoin d'être regardée, d'être reconnue : "Ce besoin avait plutôt tendance à me dégoûter. A tel point que, après plusieurs années de cinéma - j'avais déjà joué dans Taxi par exemple -, je suis partie toute seule en Inde pour réfléchir à ce que je voulais faire de ma vie. Un Indien, que j'ai rencontré par hasard et à qui je me suis confiée, m'a dit quelque chose de très simple : tant que je n'accepterais pas mon besoin extrême de reconnaissance, mon expérience d'actrice resterait limitée et frustrante. J'avais peur que cela revienne à nourrir un monstre." Mais elle l'a accepté et, qu'on se rassure, elle précise : "Mon égocentrisme ne se manifeste pas trop dans la vie quotidienne" (Télérama).

Star avec un S majuscule, Marion Cotillard semble rodée à tous les exercices de la médiatisation, pourtant : "Socialement, je me sens mal à l'aise, à cause de cette difficulté avec les mots. Je ne savais pas comment donner envie à un metteur en scène, sinon en jouant. Je n'ai jamais su non plus entrer dans un jeu de séduction" (Télérama).

Si la carrière de Marion Cotillard est brillante, elle n'a pas été sans difficultés : "J'étais ignorante du gouffre qui sépare les différentes familles du cinéma français. J'ai commencé à le comprendre après avoir joué dans Taxi et ses suites. Tel cinéaste qui m'avait fait tourner avant ne voulait plus me rencontrer parce que je véhiculais désormais quelque chose de commercial." (Télérama)

Tant pis pour eux, aujourd'hui, c'est de grandes figures internationales du septième art qu'elle reçoit des propositions : "Un grand cinéaste m'a déjà fait une proposition dans ce sens. A l'époque, je lui ai répondu, la mort dans l'âme, qu'il n'y avait pas assez de temps de préparation. Ce n'est que partie remise, je le sens, et c'est pourquoi je préfère taire son nom." Quant aux blockbusters qu'on lui a proposés : "J'ai refusé, car j'ai senti que ce n'était que des films de producteur, que le réalisateur laisserait les acteurs se débrouiller. Moi, je ne suis pas assez bonne pour me débrouiller toute seule" (Télérama).

Le scandale

Marion Cotillard accepte également de revenir sur ce qui avait fait scandale, ses curieux propos sur le 11 septembre : "Cette histoire m'a davantage poursuivie en France qu'aux Etats-Unis : ils se sont justes foutus de ma gueule sur la chaîne conservatrice Fox News, ce qui ne m'a pas dérangée plus que ça" (Télérama). Les médias américains s'en souviennent pourtant bien, puisque The Hollywood Reporter est aussi revenu à la charge. Elle a répondu : "C'était totalement stupide d'en parler à la télé. Ce n'était pas sérieux et je regrette vraiment d'avoir parlé d'un tel sujet aussi douloureux pour tant de gens, de façon aussi légère. Je connais des gens qui ont perdu des membres de leur famille ou des amis dans cette tragédie."

Retrouvez les interviews de Marion Cotillard dans Télérama du 9 mai et dans The Hollywood Reporter du 10 mai, visible en ligne.