





Si vous êtes sur Instagram (et il y a de fortes chances que oui), il vous faut absolument suivre François Simon. Le journaliste et critique gastronomique s'offre une seconde vie avec le réseau social où il est désormais suivi par plus de 360k personnes. Son désormais culte "Y retournerais-je", formule née en 2022 lors d'une visite à la brasserie Mimosa, située à l'hôtel de la Marine, place de la Concorde à Paris, ponctue ses vidéos. Et à chaque fin de visite filmée dans un restaurant, sa réponse est tranchée. Le journaliste François Simon s'amuse de l’ironie de son sort et se réjouit sûrement de voir ses vidéos commentées jusque dans la cour de certains lycées. Le 14 mai, il publie Y retournerais-je aux éditions Flammarion. Un ouvrage qui oscille entre guide d'adresses, carnet de voyage, journal intime, album photo, magazine lifestyle. Il aura passé sa vie à se cacher et pourtant, le succès est là.
Avant de faire des vidéos sur Instagram, il a été des années le journaliste critique culinaire du Figaro. "Pour ma part, trente ans de Figaro équivalent en notoriété à deux années d’Instagram. L’approche de ce réseau a même changé le style de certains cuisiniers, qui se mettent à faire des burgers juste pour des clicks ou à rajouter des fleurs de bourrache sur un risotto", a-t-il ainsi confié à L'Express. Son métier c'est aussi ne pas hésiter à déboulonner certaines de ses idoles culinaires. Il y a notamment un épisode dramatique qui l'a marqué à jamais : la mort de Bernard Loiseau. À Paris Match, François Simon confie : "[...] Cela m'a beaucoup compliqué la vie, des années durant. Ça m'a coûté très cher, notamment avec le drame de l'affaire Bernard Loiseau. On m'a traité d'assassin, j'ai morflé. Un chef avait dit : 'Je vais le casser dans sa vie professionnelle et le salir dans sa vie privée.' Certains francs-maçons m'ont durablement poursuivi de leur hargne." Le journaliste continue : "Mon ordinateur a été hacké, un grand chef m'a fait suivre pendant deux ans par un photographe qui m'attendait à mes sorties d'hôtel pour monter un dossier contre moi."
"Tout cela m'a heurté beaucoup plus qu'on ne l'imagine, affirme François Simon dans Paris Match. Mais je suis heureusement un innocent un peu crétin, ce qui m'a protégé, car il faut vraiment être un peu fou pour s'exposer ainsi. Ma revanche, je la prends aujourd'hui, avec cette notoriété sur Instagram." Ce qu'évoque ici le journaliste c'est bien sûr la mort de Bernard Loiseau, le 24 février 2003, à l'âge de 52 ans. 10 ans plus tard, François-Régis Gaudry, autre chroniqueur gastronomique que l'on ne présente plus, revenait sur le rôle, documents à l'appui, du guide Michelin dans ce drame. "Car le chef, qui avait acquis ses trois macarons en 1991, y était extrêmement attaché – François-Régis Gaudry parle d'une 'dépendance pathologique de Bernard Loiseau à ces fameux trois macarons'", rapporte Le Monde, à l'époque. Il citait l'éditeur et critique gastronomique Claude Lebey, qui, évoquant une visite de Loiseau chez Michelin en 2002, témoignait : "Bernard est sorti de ce rendez-vous dépité ; il ne s'en est jamais relevé. Son talent en cuisine s'en est trouvé définitivement paralysé."
Quelques heures après la publication de cet article, le critique gastronomique du Figaro, François Simon, réagit dans un billet via son blog ainsi que sur le site du quotidien. Présenté comme celui qui a inspiré le personnage d'Anton Ego dans le film Ratatouille, il avait été personnellement mis en cause à l'époque du drame, pour les critiques qu'il avait pu formuler dans les pages du quotidien à l'égard de Bernard Loiseau. "On a beaucoup écrit, alimenté des légendes, brodé une fausse histoire faite de 'rumeurs' et d''assassins' dont j'ai d'ailleurs été la cible privilégiée", fait savoir François Simon qui rapporte que selon lui, l'article de François-Régis Gaudry fournit "le plus loyal récit de ce tragique événement". Pour Thibault Danancher, au Point, pas question non plus de faire porter le costume d'assassin au guide Michelin. Pour lui L'Express martèle alors le rôle joué par le guide dans le suicide spectaculaire de Loiseau, mais "le seul à savoir n'est plus là". Et Guy Savoy partage son avis : "Que l'on ramène la mort de Bernard au Michelin, c'est du grand n'importe quoi".
Un mois après la publication du papier de L'Express, c'est la veuve de Bernard Loiseau, Dominique, qui réagit. Dans Le Point, elle dénonce l'attitude du journaliste à qui l'on doit le génial Très très bon (Paris Première) qui aurait caché à la famille ses véritables intentions. Elle y réitère aussi les accusations présentes dans son droit de réponse à l'encontre de François Simon, pointant du doigt l'une de ses critiques publiées début février 2003 dans Le Figaro. Le chroniqueur culinaire y écrivait que Bernard Loiseau était "légitimement menacé" par le Michelin. "Ce mot 'légitimement', Bernard ne l'a jamais compris, et surtout jamais accepté. Je suis intimement convaincue que si François Simon avait eu un minimum de courage et de droiture pour s'en expliquer simplement avec Bernard, nous n'en serions peut-être pas là", estime Dominique Loiseau. De quoi faire grincer des dents François Régis Gaudry qui lui répond : "Vous décidez, dix ans après les faits, d'accuser ad hominem François Simon pour des propos tenus dans les colonnes de son journal quelques semaines avant le drame. Pendant dix ans, vous avez toujours dédouané ce journaliste : le voici aujourd'hui votre bouc émissaire. Permettez-moi de ne déceler, dans cette étrange volte-face, qu'une stratégie médiatique pour défendre l'image de votre groupe auprès du guide Michelin."