






L’essor fulgurant de l’IA générative bouleverse les industries créatives. Capable de produire des chansons, des images ou encore des voix en imitant le style des artistes existants, elle représente un véritable danger pour les créateurs. Contrairement aux évolutions technologiques passées, cette innovation ne se contente pas d’outiller les artistes, elle les remplace potentiellement. En effet, des applications comme Suno et Udio, les deux principales applications de l’IA générative dans le milieu de la musique, génèrent déjà un million de morceaux par jour, saturant le marché de contenus automatisés comme l’explique Patrick Sigwalt de la Sacem au Parisien en ajoutant : "Les revenus des artistes étant basés sur le partage des écoutes, cela biaise considérablement les choses".
Face à cette situation, les dirigeants des organisations de gestion des droits d’auteur, dont la Sacem et l’Adami, ont initié une tribune pour interpeller les dirigeants mondiaux sur ces pratiques à l’orée du 3e Sommet pour l’Action sur l’intelligence artificielle se tenant à Paris. Leur revendication est claire : exiger un cadre législatif garantissant aux créateurs le respect de leurs droits et une juste rémunération. Comme le souligne la tribune : "L’utilisation sans notre consentement de notre talent et de notre travail (…) représente une atteinte inacceptable au respect de nos œuvres et de notre travail artistique. Pourtant force est de constater que nos œuvres et nos interprétations sont aujourd’hui utilisées par les systèmes d’IA (…) sans notre autorisation et sans aucune contrepartie financière."
Les artistes ne comptent pas se laisser faire et exigent une régulation stricte de l’IA générative. Une charte éthique internationale a été transmise à l’Élysée notamment au président de la République, Emmanuel Macron, dont l'épouse Brigitte est en pleine opération "Pièces Jaunes". Un texte qui demande des engagements concrets pour garantir le respect du droit d’auteur et la mise en place de licences négociées entre les plateformes et les créateurs. Et contre toute attente c’est pas moins de 34 396 personnes qui ont signé cette tribune, dont de très grands noms du milieu artistique français, Jean-Jacques Goldman, Jacques Dutronc, Étienne Daho, Bob Sinclar, M. Pokora, ou encore José Garcia et Zazie font partie de ces voix qui militent pour leurs droits. "C’est du jamais-vu !", s’est alors exclamée la présidente de l’Adami, Anne Bouvier avant d’ajouter : "C’est dire si l’inquiétude des créateurs est grande."
Pour Zazie, Goldman et les milliers d’autres signataires, ce combat dépasse la simple question financière. Il s’agit de préserver un écosystème créatif basé sur le talent humain, l’émotion et l’imperfection, ces éléments qui donnent toute leur valeur aux œuvres artistiques. Pour l'ancienne coach de The Voice, qui fait partie des signataires, l’ampleur du phénomène est préoccupante : "C’est très impressionnant, ce que peut créer l’intelligence artificielle générative, mais ce qui est dangereux, c’est qu’elle remplace sans remplacer. Demander à l’IA une musique de film à la manière de Maurice Jarre avec la voix de Florent Pagny, c’est copier et voler les deux", affirme-t-elle dans une interview avec Le Parisien.
Toutefois, loin de rejeter l’IA en bloc, Zazie tempère la situation : "Mais il ne faut pas diaboliser toutes les intelligences artificielles, qui existent depuis qu’il y a des ordinateurs et apportent aussi de bonnes choses. Ce qui est intéressant dans l’IA, c’est qu’elle offre un accès à la création aux gens qui n’ont pas fait des années d’études de solfège et de pratique d’un instrument. Quand on sait le coût énorme d’un film, je peux comprendre qu’un jeune réalisateur utilise l’IA parce qu’il n’a pas le budget pour avoir le grand compositeur dont il rêvait. Il ne faut pas le sanctionner, mais il faut un système de dédommagement", affirme-t-elle pointant du doigt cette absence de contrôle sur l’utilisation des œuvres existantes par les IA.
Les pertes financières des artistes pourraient atteindre 10 milliards d’euros d’ici 2028.