

Si Jean Rochefort n'était pas ravi de voir qu'on le mettait à la retraite après des déclarations sorties de leur contexte, Jean-Louis Trintignant ne laisse pas de place aux sous-entendus : il met fin à sa carrière de comédien, sur scène comme à l'écran. Dans une interview donnée à Nice-Matin alors qu'il venait présenter sa pièce, Trois Poètes libertaires du XXe siècle sur des textes de Prévert, Vian et Desnos au théâtre Anthéa à Antibes, l'artiste se confie sur sa passion et son état d'esprit.
Amoureux de son métier, Jean-Louis Trintignant s'impose néanmoins des limites : "J'ai encore plus de plaisir à jouer qu'à 30 ans, mais je suis très vieux, et j'ai du mal à me déplacer. Alors après ces deux dernières représentations, je ne fais plus rien. Ni théâtre ni cinéma. Place aux jeunes." Les mots sont tombés, il arrête. Et nous met face à sa décision. Reste un espoir, celui d'une oeuvre qui le décidera à revenir, comme Amour de Michael Haneke, fut un temps. En effet, retiré dans sa maison d'Uzès, dans le Gard, il avait accepté de sortir de sa retraite cinématographique pour le long métrage qui obtiendra la Palme d'or en 2012. "J'aime beaucoup ce film, mais s'il ne s'était pas appelé comme ça, il n'aurait peut-être pas eu ce succès mondial", avait-il déclaré à propos de ce long métrage unanimement salué.
Jean-Louis Trintignant ne s'attardera pas seulement sur la fin de sa carrière, louant avec enthousiasme les textes de Jacques Prévert, Boris Vian et Robert Desnos qu'il récite sur les planches : "Ce sont des poètes d'une incroyable résonance aujourd'hui. Ils parlent de choses graves, mais toujours de façon légère." Il partage avec ces auteurs un goût pour le surréalisme et, surtout, leur anticonformisme : "Moi aussi, j'ai ce côté anarchiste. Je ne vais pas aux enterrements, je ne vote pas et je m'intéresse aux petites gens." Il aura des mots durs sur la politique et ceux qui la mènent : "Anar, ça veut dire sans autorité. Ces gens ont été élus ou nommés pour nous gouverner, mais ils n'en ont pas toujours les qualités. Les hommes politiques sont brillants, mais ce sont souvent des ratés. Et quand ils font des conneries, ils nous les font payer. J'ai plus d'estime pour l'électricien qui fait bien son métier."
Sa franchise déconcertante et son regard aiguisé sur la société ne prennent pas une ride. À l'aube de ses 83 ans, le père de feu Marie Trintignant veut rester un homme entier et se donnera du mieux qu'il peut pour le spectacle Trois Poètes libertaires en octobre, une oeuvre superbe qui lui sied parfaitement pour tirer dignement sa révérence.

