Dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, le destin de la famille Jubillar a basculé. Depuis bientôt cinq ans, Delphine Jubillar, infirmière de 33 ans a disparu et son mari Cédric Jubillar est le principal suspect dans cette affaire qui a déjà fait couler beaucoup d'encre. Lundi prochain, le procès de l'ancien peintre-plaquiste s'ouvre à la cour d'assises du Tarn, lui qui est accusé du meurtre de son épouse et mère de ses deux enfants, Louis et Elyah, et qui est incarcéré depuis juin 2021 à la prison de Seysses, près de Toulouse.
A l'approche de ce procès très attendu qui durera cinq semaines, l'AFP a recueilli les mots de Malika Chmani, l'avocate des deux enfants Jubillar. Aujourd'hui âgé de 11 ans, l'aîné Louis avait 6 ans au moment de la disparition de sa maman et Elyah, qui a aujourd'hui 6 ans n'avait que 18 mois. Dans cette affaire, Louis occupe un double statut : celui de témoin et de victime. Après la disparition de sa maman, alors qu'elle se trouvait dans leur maison délabrée de Cagnac-les-Mines dans le Tarn, le petit Louis avait été entendu par les enquêteurs.
Cette nuit fatidique, Louis dit s'être relevé après avoir entendu ses parents se disputer et les avoir vu s'empoigner, avant de retourner se coucher de peur d'être grondé. Son témoignage contredit les déclarations de son père, qui a assuré aux enquêteurs s'être couché tôt et avoir découvert la disparition de son épouse au petit matin, réveillé par les pleurs d'Elyah. Ce témoignage, Louis l'a livré en plusieurs fois, à la gendarmerie d'Albi, dans une salle Mélanie. Un dispositif baptisé du nom de la première fillette à en avoir bénéficié dans les années 1990 et conçu pour enregistrer le témoignage d'un enfant dans les meilleures conditions possibles afin de lui éviter de répéter le récit d'événements parfois traumatisants.
Les enquêteurs amenés à recueillir ces témoignages sensibles sont formés au Centre national de formation au renseignement et à l'investigation (CNFRI), à Rosny-sous-Bois. Ils suivent un protocole d'audition d'origine américaine, qui vise à "éviter toute pollution durant le temps d'entretien", indique Romain, psychologue formateur au CNFRI qui n'a pas souhaité livrer son patronyme. Après une "mise en confiance", l'enquêteur passe un "contrat de communication" avec l'enfant pour s'assurer que ce dernier dira la vérité, qu'il n'hésitera pas à corriger l'enquêteur et qu'il ne répondra ni aux questions dont il ne connaît pas la réponse, ni à celles qu'il ne comprend pas. A la fin de l'entretien, l'enquêteur conclut par une note plus légère, en évoquant par exemple les loisirs de l'enfant, pour que la victime "reparte avec une chose plus positive en tête", explique Romain. Louis Jubillar a dû ensuite rencontrer les juges d'instruction pour une troisième déposition. "L'audition s'est faite dans de très bonnes conditions, parce que Louis a été mis en confiance", raconte Me Chmani.
Pour l'avocate toulousaine des enfants Jubillar, cette accumulation d'entretiens questionne toutefois l'objectif affiché de préserver les jeunes victimes. "On dit qu'on les filme pour ne pas les faire répéter, mais on leur ment parce qu'ils se répètent très régulièrement devant des juges, des enquêteurs, un psychologue, un médecin légiste", regrette-t-elle.
A l'approche du procès de son père, Louis Jubillar a en lui "beaucoup de colère refoulée", raconte son avocate à l'AFP. Après le placement en détention de leur papa, une juge des enfants a été saisie. Elle a désigné un administrateur ad hoc "pour représenter les intérêts des enfants" et confié Louis et Elyah à leur tante Stéphanie, la soeur de Delphine. Il arrive qu'aucun membre de la famille ne puisse recueillir les enfants, qui sont alors placés auprès de familles d'accueil. Pour Louis et Elyah, "heureusement qu'il y avait une famille présente et soutenante", estime leur avocate. "Les enfants étaient déjà assez marqués, traumatisés par leur histoire. Donc, ça s'est imposé assez rapidement et ça fait l'unanimité. C'est quelque chose qui n'est pas contesté par Cédric Jubillar", ajoute-t-elle, précisant qu'une audience permet de réévaluer la situation tous les ans.
Cédric Jubillar n'a pas vu ses enfants depuis quatre ans. Il est toutefois "convoqué une fois par an chez le juge des enfants pour être tenu informé de leur évolution", a précisé à l'AFP son avocat Alexandre Martin.
Louis et Elyah, partie civile, n'assisteront pas aux audiences afin de les protéger des remous d'un procès hors normes. "Ils ont hâte, je pense, d'avoir une vérité judiciaire", confie encore Me Chmani, qui les représentera avec Me Laurent Boguet. Leur tante ainsi que l'administrateur ad hoc, elles, prendront la parole le 30 septembre.
Cédric Jubillar reste présumé innocent des faits qui lui sont reprochés jusqu'au jugement de cette affaire
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