






Une horloge, des assiettes, des robes, des carnets, une lampe… Sur le site internet de Sotheby’s, le fruit de la vente des derniers biens de Karl Lagerfeld (disparu le 19 février 2019) a des allures d’inventaire à la Prévert. “L’audience est toujours aussi assidue, se réjouit Pierre Mothes, vice-président de Sotheby’s France dans le magazine design AD. Karl est adulé dans le monde entier telle une rock star.” Organisée du 24 au 31 janvier derniers par la célèbre maison parisienne du 83 rue du Faubourg Saint-Honoré, la vente a rapporté environ un million d’euros. Une très belle somme mais qui ne contentera peut-être pas l’appétit des services fiscaux.
Ces cinq dernières années, quatre ventes ont déjà été organisées à Paris, Monaco et Cologne. Les précédentes dispersions ont rapporté 22,5 millions mais cela n’a pas suffi comme l’expliquait, en décembre dernier dans Le Figaro, l'administrateur judiciaire provisoire désigné par le tribunal de Monaco sur la résolution de l’héritage du défunt couturier allemand : "Karl Lagerfeld aurait peut-être pu laisser une fortune de 200 millions d’euros, s’il n’avait pas été aussi généreux ! La succession ne comporte pas de valeurs importantes en banque. Je n’ai pas trouvé de comptes à l’extérieur de la principauté de Monaco ou de la France. D’ailleurs, le fisc français avait déjà toutes les informations nécessaires." Son patrimoine englobait des biens immobiliers d'exception, comme un appartement situé quai Voltaire à Paris, adjugé aux enchères pour plus de dix millions d'euros en mars dernier.

S’y sont ajoutés un autre appartement parisien situé rue des Saints-Pères, une maison à Louveciennes (Yvelines) et un troisième appartement à Monte Carlo. Tous cédés, ces derniers mois, pour un peu plus de 20 millions d'euros. Pourtant, il faut encore vendre a expliqué l'administrateur judiciaire provisoire : "La succession comprend aussi deux biens immobiliers qui seront mis en vente prochainement. L’un à Paris et l’autre en région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui était loué à Baptiste Giabiconi. Il y avait aussi des meubles, des objets d’art, des affiches, des vêtements de haute couture, une importante collection de photographies, des bijoux, des montres et des dessins dont un grand nombre a déjà été vendu."
Ces derniers éléments constituent les 234 lots vendus chez Sotheby’s. On y trouve pêlemêle : le mobilier du dernier bureau de Karl Lagerfeld conçu par Hedi Slimane, des taies d’oreiller et duvets monogrammés “KL”, la caisse en velours où se lovait Choupette, sa chatte chérie, des figurines à l’effigie du maître, ses croquis de mode… En inspectant ses résidences, les limiers de Sotheby’s ont exhumé des perles pour les fans du couturier : des albums compilés et annotés par l’artiste, des cartes postales, des messages griffonnés sur des bouts de papier, des vœux envoyés par le décorateur Peter Marino, un dessin de l’illustrateur Antonio… Également mis en vente : une vingtaine d’ipods, de toutes générations et des caricatures politiques dessinées de sa main à l’aquarelle, au feutre, au fard, au Tipex. Valérie Trierweiler est ainsi représentée devant le palais de l’Élysée en marquise de Pompadour et l’ex-chancelière allemande Angela Merkel est costumée comme l’héroïne de l’opéra de Richard Strauss Le Chevalier à la rose.

Les pièces les plus émouvantes sont bien sûr les vestiges de la garde-robe du maître, comme ses lunettes de soleil, ses vestes griffées Dior, ses pantalons de jean Chanel, ses cravates brodées, ses bottes de cuir, ses cols en celluloïd ou encore un ensemble d’éventails. Mais les pièces les plus chères sont à chercher ailleurs : un ensemble femme Chanel automne-hiver 1983-84 (108 000 euros), des assiettes en porcelaine de Henry Van De Velde ((102 000 euros), le mobilier du dernier bureau conçu par Hedi Slimane (67 000 euros) ou une robe de cocktail Chloé (36 000 euros). En conflit avec le fisc français depuis plus de quatre ans, les huit héritiers de l’ancien directeur artistique de Chanel – dont le mannequin corse Baptiste Giabiconi, l’ex-garde du corps Sébastien Jondeau, l’Américain Brad Koenig ou Virginie Viard, qui a pris sa suite comme directrice artistique chez Chanel – ont cessé, l’été dernier, de contester les redressements et pénalités fiscales qui leur sont imposés. Mais, une fois cette dette apurée, il est fort possible qu’il ne leur reste plus que des miettes à se partager.