D'après une histoire vraie, adaptée du roman de Delphine de Vigan, marque la cinquième collaboration de Roman Polanski avec son épouse Emmanuelle Seigner, en presque trente ans d'amour. Le film, qui réunit également Eva Green et Vincent Perez, était présenté, le 2 octobre, par le couple au Festival de Zurich. La Suisse est l'un des trois pays, avec la France, son pays d'accueil, et la Pologne, son pays natal, à avoir refusé l'extradition du réalisateur dans l'affaire d'agression sexuelle sur mineure qui le poursuit depuis quarante ans aux États-Unis.
Dans Citizen K, Roman Polanski se souvient que le documentaire Wanted and Desired en 2008 a remis le feu aux poudres : "Le paradoxe de ce retournement, c'est que le documentaire révélait de graves irrégularités de procédures favorables à ma défense." Et paradoxe il y a puisqu'en se rendant justement au Festival du film de Zurich, en 2009, le réalisateur franco-polonais est arrêté, emprisonné (il termine depuis sa cellule le montage de The Ghost Writer) avant d'être assigné à résidence dans son chalet de Gstaad en attendant, finalement, le refus de la justice suisse de l'extrader. Étant donné la présence de Roman Polanski hier soir à Zurich, une page s'est visiblement tournée. C'est aussi le sentiment de son épouse bien qu'elle se soit posé la question de venir.
Dans une longue interview accordée au Matin Suisse, Emmanuelle Seigner déclare : "J'avoue que mon dernier passage m'a laissé un tel mauvais souvenir que j'ai questionné cette décision. Mais Roman voit les choses différemment. (...) Si je pense à notre dernier passage au festival, je pense forcément aux moments difficiles de l'arrestation et lorsque j'ai dû aller voir Roman à la prison de Zurich le lendemain."
Si Roman Polanski estime, toujours dans le Matin Suisse, que cette affaire appartient au passé, Emmanuelle Seigner garde des souvenirs douloureux de ces sept mois assignés à résidence. Le plus dur pour elle et leurs enfants – Morgane (24 ans) et Elvis (19 ans) – fut "lorsque nous avons dû nous cacher dans la voiture pour sortir du chalet car la propriété était encerclée par les médias". L'actrice parle de "cauchemar". Roman, lui, ne garde aucune rancune vis-à-vis de la Suisse et continue de venir pour les vacances dans son chalet, d'autant qu'il aime le ski par-dessus tout, notamment pour Noël. "Il aime tellement cette période que l'on ne peut que le suivre, raconte Emmanuelle. Tout ma famille est réunie, mes parents, mes soeurs, Mathilde et Marie-Amélie, nos enfants."
En août, un juge américain a refusé d'abandonner les poursuites qui pèsent sur Polanski malgré la demande de son avocat et celle de sa victime, Samantha Geimer, de classer enfin l'affaire. Malgré ce revers, le réalisateur de 84 ans a déclaré au Hollywood Reporter, toujours pendant ce Festival de Zurich, qu'il estimait en avoir terminé avec cette affaire : "En ce qui concerne ce que j'ai fait : c'est terminé. J'ai plaidé coupable. Je suis allé en prison. Je suis revenu aux États-Unis pour ça, les gens ont tendance à l'oublier ou ne le savent pas. J'ai ensuite été arrêté ici pendant le festival. Pour résumer, j'ai purgé une peine quatre ou cinq fois supérieure à celle qui m'avait été promise."
Dans D'après une histoire vraie, Emmanuelle Seigner incarne une écrivaine en panne d'inspiration qui fait la rencontre d'une admiratrice, incarnée par Eva Green, qui prendra de plus en plus de place dans sa vie. Dans le Matin Suisse, Emmanuelle parle de Roman comme de sa muse et non l'inverse : "Car il sait me faire donner le meilleur de moi à l'écran." Le couple a travaillé ensemble sur Frantic (1988), Lunes de fiel (1992), La Neuvième Porte (1999) et La Vénus à la fourrure (2013).
D'après une histoire vraie, de Roman Polanski, en salles le 1er novembre 2017.