L'Homme en noir n'est plus. Il est mort un 14 juillet, visiblement bien décidé à marquer sa vie par des moments iconiques, comme mourir le jour de la Fête nationale. Créatif à l'extrême, il en avait imaginé des choses mais peut-être pas celle-là. Si elle n'avait pas eu de visibilité sur la date, Thierry Ardisson avait néanmoins déjà imaginé sa mort, au courant de sa vie. Comme notamment, en 2005, il y a 20 ans. Dès les premières pages de son ouvrage Confessions d'un babyboomer (éd. J'ai lu), celui à qui l'on doit Tout le monde on parle, émission on ne peut plus culte des années 2000, évoque la fin de sa vie. Le premier paragraphe qui suit le prologue s'intitule "Thierry Ardisson (1985-2003) Et si plus personne n'en parlait". S'il s'était donc imaginé mort bien 20 ans avant la vraie fin de sa vie, il partageait là sa plus grande appréhension post-mortem : l'oubli. Comme ses filles le décrivent, un "papa égocentrique", Thierry Ardisson n'a jamais caché cet aspect de sa personne. Égo-centré, il l'assumait et en jouait puisqu'il a passé sa vie à se mettre en scène.
"Je crois que je n'ai jamais fait autre chose que de me mettre en scène, faisait état le résumé de son livre Confessions d'un Babyboomer. Tansformer ma vie en cinéma." Mais alors comment avait-il imaginé sa mort ? Si c'est un cancer du foie, qui avait finalement attaqué les poumons, ces dernières années, qui a eu raison de l'époux de Audrey Crespo-Mara, ce n'est pas comme ça qu'il voyait les choses, 20 ans plus tôt. "Ardisson était mort. C'était dans le magazine, peut-on lire. Des suites, apparemment, d'un suicide par dépression foudroyante compliquée d'un infarctus audiovisuel. Juste avant de mourir, Ardisson avait eu le temps de confier aux médecins de Technikart que depuis quelques semaines déjà, il n'allait pas très fort. Selon le rapport d'autopsie et les dernières confidences publiées en pages intérieures, l'animateur n'en pouvait plus. Il se sentait usé. Il se voyait devenir inutile, ennuyeux, sans imagination. Symptôme qu'il résumait en ces termes, d'une voix sans doute déjà éteinte, presque un dernier souffle : 'Je ne m'étonne plus, je n'écris pas. J'ai du mal avec mon nouveau mensuel papier. J'ai des idées de films, mais ça n'avance pas.' Il se plaignait, en revanche, d'avancer en âge (cinquante quatre ans) et redoutait d'avoir à affronter le pire."
© Technikart
Il continuait ainsi : "Toujours selon les urgentistes de Technikart, l'ex-star aurait confié son désir d'en finir par lui-même ('Je sauterai du train avant') plutôt que d'en être réduit à une aussi violente extrémité professionnelle." Mais comment diable avait-il pu penser à sa mort, il y a 20 ans de cela ? Thierry Ardisson, dont on le rappelle l'imagination n'est plus à prouver, avait en réalité pensé à cela à cause d'une couverture de Technikart. Celle-ci faisait état d'un avis de décès de l'animateur avec cette phrase Thierry Ardisson (1985-2003) Et si plus personne n'en parlait", enterrant ainsi sa carrière. "La veille, je n'y pensais pas. Le lendemain, je ne pensais plus qu'à ça", avait ainsi partagé l'animateur, et papa de trois enfants. Puis, il concluait : "C'est fou ce qu'une simple couverture de magazine peut déclencher comme phénomène limite hallucinogène. Mais c'est ainsi."
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