Le 14 janvier 1986, le chanteur Daniel Balavoine était retrouvé mort sur le parcours de la 8e édition du Paris-Dakar. Victime d’un accident d’hélicoptère au Mali, la dépouille du chanteur avait été retrouvée à côté de celles de Thierry Sabine (organisateur du rallye), Jean-Paul Le Fur (journaliste à RTL), Nathalie Odent (journaliste au Journal du Dimanche) et François-Xavier Bagnoud (pilote de l’hélicoptère).
Un drame qu’aurait pressenti Daniel Balavoine, selon John Woolof, guitariste du chanteur. Dans le documentaire "Daniel Balavoine, 35 ans déjà : sa vie", sa bataille, diffusé en mars 2021 sur TMC, le guitariste citait l’interprète de L’Aziza, qui, quelques jours avant de rejoindre l’Afrique, aurait déclaré : "Je vais retourner à Dakar, mais je ne le sens pas… Je ne me sens pas bien cette fois." Répétant sans cesse la chose à ses proches, Daniel Balavoine tenait à garder son cap et finissait par s’envoler pour l’Afrique afin de représenter l’organisation humanitaire Paris du cœur, dont il était l’ambassadeur. Retrouvés dans la nuit, les corps restèrent sous le sceau du secret jusqu’au petit matin, où la France se réveillait avec l’horrible nouvelle.
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En disparaissant, Daniel Balavoine laissait derrière lui sa compagne, Corinne, enceinte de la petite Joana, et Jérémie, son fils aîné, alors âgé d’un an et quelques mois. C’est ce dernier qui célèbre aujourd’hui sa 41e année, la 40e sans ce père qu’il n’a jamais vraiment évoqué publiquement. À l’occasion de la sortie de Schizoquelquechose, son premier livre de poésie, sorti chez l’éditeur Cent Mille Milliards, le fils de la bataille de Daniel Balavoine a finalement accepté d’évoquer ce père si absent et, paradoxalement, omniprésent pendant ces quatre décennies. "Je m’appelle Jérémie, j’ai 40 ans, j’écris de la poésie, lançait-il en mars dernier dans les colonnes de Ouest France. Mon père est Daniel Balavoine, le chanteur, et je n’ai pas mille choses à raconter sur lui. Après sa mort, ma mère, qui attendait ma petite sœur Joana, a fait le bon choix de nous protéger des regards indiscrets. Quand je suis né, nous avons vécu à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), puis à Colombes (Hauts-de-Seine)."
Une vie loin des caméras qui comblait la petite famille en reconstruction après la disparition du chanteur. "Mon père était très aimé, bien sûr, ajoutait Jérémie auprès du quotidien régional. J’imagine qu’il y avait beaucoup de gens qui venaient se recueillir devant la maison et sur sa tombe à Biarritz. Ma mère n’avait que 27 ans, elle a choisi de nous garder la tête loin de là et de s’installer près de ses parents."
Née sans avoir jamais connu les bras réconfortants de son papa, Joana Balavoine – petite sœur de Jérémie – décrivait de façon très concrète en quoi consistait le rôle "d’enfant posthume" auprès des journalistes du Parisien en 2021. "Être un enfant posthume, c'est la première graine, déclarait la jeune femme. Je me suis construite sur ce traumatisme. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi je n'avais pas le droit d'avoir un papa. À cause de cette absence, je n'ai eu aucune limite… Et comme mon père était Daniel Balavoine, on m'a aussi passé beaucoup de choses. Les gens aiment papa, ils ont de la tendresse pour lui… C'était compliqué de vivre avec ce mythe, de l'ordre de la légende… »
Pour surmonter tout cela, Joana cédera aux sirènes des paradis artificiels, allant jusqu’à sombrer dans une addiction à la cocaïne, dont elle aura beaucoup de mal à se libérer. Lorsqu’on lui demandait si son célèbre papa avait goûté à la drogue, la benjamine du clan Balavoine répondait : "Non. Je crois que c'était un fêtard quand même, il a essayé des trucs, je crois qu'il fumait des joints. Je crois que ça lui est même arrivé de prendre de la coke, mais je ne pense pas que c'était quelqu'un de... Je ne crois pas…"
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La drogue, Jérémie Balavoine s’en est servi dans son processus de création poétique. Dans un échange accordé au site de son éditeur, le poète l’accorde : comme Verlaine ou Rimbaud, il s’est laissé tenter par les paradis artificiels. "Il y a tout un mythe sur les drogues qui peuvent aider à atteindre des niveaux de créativité, souligne-t-il. Sûrement que, pour les gens très créatifs, ces voyages ont permis de manière artificielle d’y parvenir. On parle des Doors, de Baudelaire, à propos de la manière de percevoir et de ressentir les choses. Et moi aussi, je l’ai fait en fumant de l’herbe ou d’autres substances, parce que je pense qu’il est intéressant de rencontrer cette voix intérieure qui se fait alors beaucoup plus forte."
Sans détailler la quantité consommée ni la fréquence, Jérémie Balavoine temporise en soulignant qu’il fallait de sacrées bases poétiques avant de les transgresser en s’enivrant le corps et l’esprit. "On pense à Rimbaud et l’alcool, la drogue, c’est bien, mais à 7 ans, il parlait déjà grec et latin , souligne Jérémie Balavoine. C’est plus facile de se détraquer l’esprit quand on a déjà une base bien construite, qu’on sait ce qu’on veut faire en matière de poésie, de musique, de sculpture, de tout ça. Il s’agit plus de diversifier sa propre perception que d’accoucher."
Quant à savoir pourquoi avoir préféré la poésie plutôt que la chanson, art dans lequel excellait son célèbre papa, Jérémie Balavoine déclarait dans Ouest France : "La poésie, la chanson, c’est la porte à côté… Ceux qui ont connu mon père m’ont souvent dit que je suis comme lui : un optimiste désespéré. Dans ses chansons, il y a des phrases coups de poing, comme on espère tous en prendre et en donner. C’est le relais qu’on reçoit de lui et d’autres, et j’espère que je saurai le transmettre." C’est tout ce que lui souhaitent les fans de son papa et ses lecteurs, en ce jour anniversaire…
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