La dépêche de l’AFP est tombée le 6 février dernier dans les rédactions : “Paul-Loup Sulitzer est mort à l’âge de 78 ans à l’île Maurice, où il vivait depuis plusieurs mois.” C’est sa fille aînée, Olivia, qui a fait parvenir la nouvelle à l’agence de presse, en précisant : "Il est décédé ce matin à l’hôpital, des suites d’un AVC [accident vasculaire cérébral]." Elle avait aussi ajouté que son père avait été “hospitalisé il y a plusieurs jours après une chute”.
Que faisait-il sur cette île au milieu de l’océan Indien ? Qui était présent à ses côtés lorsqu’il s’est éteint ? Était-il en si mauvaise santé ? Depuis de longues années, notamment un AVC dont il avait été victime en 2004, le célèbre romancier et homme d’affaires était diminué. Il avait, du reste, traversé de nombreuses difficultés, notamment financières. L’annonce de sa disparition soudaine a cependant surpris et soulevé de nombreuses questions…
Parce qu’il était trop tôt, parce que le choc était trop grand, parce que tous ne savaient pas exactement ce qu’il s’était passé, ses proches, au moment de son décès, n’ont pas jugé bon de s’exprimer pour en dire plus. Presque six mois ont passé, et afin d’honorer sa mémoire et de lui rendre hommage, une femme qui l’a très bien connu et qui l’a accompagné dans les derniers jours de son existence a accepté, en accord avec sa fille Olivia, de raconter à Purepeople les derniers jours qu'elle a vécus avec lui…
Valérie Perez est journaliste. Elle a débuté à France 2, où elle s’occupait de la rubrique football. Reporter de terrain, elle a ensuite longtemps couvert des conflits à l’étranger. C’est une femme de conviction et de contact. C’est sans doute ce qui l’a liée, durablement, à Paul-Loup Sulitzer qu'elle connaissait depuis de très longues années. En exclusivité, elle raconte la fin de sa vie.
Paul-Loup Sulitzer était en fauteuil roulant mais très heureux
"J’ai connu Paul-Loup grâce à Daniel Hechter. Mon père était très proche de lui. Paul-Loup faisait partie de cette bande d’amis qu’on retrouvait tous les étés à Cannes ou sur la Côte d’Azur. C’était une ambiance très joyeuse. Et puis avec Paul-Loup, on s’est rapprochés. On se voyait souvent. Il venait me voir, je l’appelais. Il y avait une vraie complicité. On parlait de nos vies, de nos enfants, de nos peines aussi. C’était sans filtre. Paul-Loup, c’était quelqu’un de généreux, d’intelligent, d’inspirant. Il adorait la vie, les belles choses, il avait toujours dix idées à la minute. Il ne s’arrêtait jamais. Il m’a toujours soutenue. Quand j’ai commencé à vouloir écrire, il m’a dit un jour : “Mais je ne comprends pas pourquoi tu n’y vas pas. Moi, j’ai écrit des livres, et j’écris moins bien que toi. Fonce !” Ça m’a énormément portée."
Elle poursuit : "L’été dernier, j’étais à Nice avec mes enfants. Il habitait encore là-bas. Il m’a appelée et m’a dit : “Je veux te voir.” Il est venu me retrouver à l’hôtel Negresco, malgré la fatigue. Il était en fauteuil roulant, mais très heureux. Il a fait don d’une œuvre à une vente caritative que j’organisais. C’était une toile qu’il avait dans son bureau, un tableau inspiré de Monet. Il est venu au spectacle, puis on est allés dîner ensemble. Il était affaibli, oui, mais lumineux. Quelques semaines plus tard, il est revenu déjeuner à la maison. C’est là qu’il m’a dit qu’il comptait s’installer à l’île Maurice, d’où sa dernière compagne était originaire. Il avait eu des soucis avec un voisin à Nice qui l'avait agressé. Il en avait tiré la conclusion que ce n’était plus possible pour lui de rester là. Il m’a dit : “Là-bas, je vais être bien. Je vais respirer, être au bord de l’eau.” Moi, je lui ai dit : “Mais comment tu vas faire, vu ton état ?” Il m’a répondu qu’il avait besoin de soleil, de calme, et que ce serait un renouveau."
Paul-Loup était allongé là, quasi inerte, au milieu des autres patients
"Fin janvier, je suis partie à l’île Maurice pour des raisons personnelles et professionnelles. J’ai aussitôt pensé à lui. Je l’ai appelé. C’est Supriya, la femme qui vivait avec lui, qui m’a répondu : “Il est à l’hôpital. Il ne peut pas venir te voir, mais viens toi.” J’ai été choquée. Je ne m’attendais pas du tout à ça. Je pensais qu’il était hospitalisé pour des examens, comme des gens de son âge en passent souvent. Mais ce que j’ai découvert était terrible. L’hôpital de Pamplemousses, où il avait été admis, est un hôpital public dans un état lamentable. Une grande salle, pas de cloisons, pas d’intimité. Une centaine de malades dans la même pièce. Une chaleur insoutenable, des visiteurs en permanence. Un vrai nid à microbes. Paul-Loup était allongé là, quasi inerte, au milieu des autres patients. Ce n’était pas possible de le voir comme ça. J’ai demandé ce que je pouvais faire" nous a-t-elle confié.
© BestImage, JLPPA / Bestimage
J’ai vu Paul-Loup. Je crois qu’il va mourir
"J’ai aussitôt appelé Daniel Hechter. Je lui ai dit : “Je suis à Maurice, j’ai vu Paul-Loup. Je crois qu’il va mourir.” Il a compris l’urgence. Il m’a transmis le numéro de sa fille Olivia, que je ne connaissais pas. Je l’ai appelée. Je lui ai raconté ce que j’avais vu. Elle était bouleversée. Elle m’a dit que la situation était compliquée, qu’il ne lui était pas facile d’établir le contact avec son père. J’ai alors proposé à la compagne de Paul-Loup de le transférer dans une clinique privée. Je lui ai dit que je pouvais aider, dans la mesure de mes moyens. Elle m’a répondu que Paul-Loup avait besoin d’être près de la mer, de faire du kiné. Je lui ai dit : “Mais enfin, on ne va pas aller au Club Med !” En fin de compte, rien n’y a fait. J’ai tout tenté. J’ai continué à aller le voir. Je lui ai apporté de l’eau, je l’ai pris dans mes bras. Je faisais ce que je pouvais pour le réconforter. Et à un moment, il m’a regardée et m’a dit : “Maintenant que tu es là, je vais mieux.” C’est la dernière chose qu’il m’a dite. Je suis repartie en France le 3 février, choquée et angoissée, en conseillant à sa fille de le rapatrier en France. Mais il était trop tard."
"Trois jours plus tard, Olivia m’a appelée. Elle m’a dit : “Papa est mort ce matin. Je ne sais pas comment l’annoncer.” Je lui ai dit d’appeler l’AFP. Ce qu’elle a fait. Et depuis, nous sommes restées très proches. Elle est notamment venue dans mon émission Destins de femmes, sur YouTube. Elle a ouvert son album de famille. Elle a parlé de son père avec beaucoup d’amour. On a reçu des centaines de messages."
"Je ne voulais pas m’exprimer au moment de sa mort. Trop de violence. Trop de jugements. J’ai entendu des choses terribles. Moi, je veux qu’on se souvienne de lui pour ce qu’il était vraiment. Un homme hors du commun. Un homme généreux, brillant, inspirant. Avec ses défauts, bien sûr. Mais il avait cette lumière. Cette fantaisie. Cette intelligence. Il m’a marquée. Et il a marqué beaucoup d’autres personnes. Après sa mort, Paul-Loup a été inhumé à l’île Maurice, à Trou-aux-Biches. Mais il n’y avait presque personne à l’enterrement. Olivia veut organiser un rassemblement en France à la rentrée. Pour qu’on parle de lui. Pour qu’on lui rende un hommage à la mesure de la personne qu’il fut."
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