“Elle était devenue invivable. J'ai su un an après qu'elle était atteinte de la maladie de Huntington. Je m'en suis voulu, parce que si j'avais su qu'elle était malade, je ne serais pas parti...” Quelque temps après la disparition de Sophie Daumier, en 2004, Guy Bedos avait confié à l'animatrice Mireille Dumas son regret de ne pas avoir su que sa deuxième épouse était atteinte de la chorée de Huntington, une maladie héréditaire et rare, qui se traduit par une dégénérescence neurologique. Elle provoque d’importants troubles moteurs, cognitifs et psychiatriques. Guy est resté marié douze ans avec Sophie, de 1965 à 1977. Avec la Francilienne, il a pendant une dizaine d’années formé un irrésistible duo comique, adoré du public français. Les sketches La Drague et Les Vacances à Marrakech, écrits par Jean-Loup Dabadie, en sont les plus beaux exemples. Mais Guy Bedos et la belle comédienne n’ont pas fait que s’aimer et rire. Le père de Nicolas, Leslie, Mélanie et Victoria, ses quatre autres enfants, a aussi adopté Philippe, le fils que Sophie Daumier avait eu, à vingt ans à peine, en 1954. Comme sa maman, Philippe était malheureusement atteint de la chorée de Huntington et nous a quittés en 2010.
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Le 30 mars 2011, quelques mois après sa mort, le magazine France Dimanche avait reçu une lettre d’un ami anonyme du disparu qui avait tenu à lui rendre hommage en racontant sa trop courte vie. Cette missive rappelait que Philippe était un musicien de talent qui “n’a jamais voulu profiter de la notoriété de ses parents, bien au contraire”. Il a vécu avec ses grands-parents jusqu’à l’âge de 7 ans puis a habité chez son oncle et ses cousins germains jusqu’à 9 ans, année du mariage de Sophie avec Guy Bedos. Il a été ensuite en pension à Jouy-en-Josas (Yvelines), dans la Fondation Cartier, bien avant qu’elle ne déménage dans la capitale en 1994.
À 21 ans, en 1975, il co-écrit sa première chanson pour le chanteur Yves Jouffroy, intitulée Good Bye. Coup d’essai, coup de maître puisque ce tube se vendra à 300 000 exemplaires. Cinq ans plus tard, il monte le groupe Duroc avec quatre musiciens. En 1980, Eddie Barclay les signe pour l’album Brûlons la Californie. Ils assurent quelques concerts dont la première partie du hard-rocker américain de Détroit, Ted Nugent au pavillon Baltard. C’est alors qu’un premier drame frappe Philippe Bedos. Lors d’une tournée d’été, le 3 juillet 1980, Bob Marley donne un concert devant 50 000 personnes au Bourget près de Paris et une fête est organisée en l’honneur de la star jamaïcaine. Durant celle-ci, Philippe est agressé et blessé violemment à la gorge. Conduit à l’hôpital parisien Necker, il est sauvé mais doit respecter un long rétablissement. Sa tournée estivale est annulée bien sûr.
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Courageux, le fils de Sophie Daumier se rétablit et veut reprendre le fil de sa carrière. Philippe Constantin, célèbre producteur du label Barclay, veut le prendre en solo mais il refuse et préfère une aventure collective. Elle se dérobe et Philippe est contraint d’exercer différents métiers : figurant, comédien, assistant-casting, assistant de production, directeur artistique, assistant réalisateur, gérant d’une société de production... En parallèle, il doit gérer la terrible maladie de sa maman, prisonnière de son corps et paralysée. Jusqu’au jour où il apprend qu’il en est malheureusement également atteint… Philippe s’isole et commence à ressentir les premiers symptômes de la maladie de Huttington quand sa voix se modifie et ses doigts ont du mal à jouer de la guitare. Il fait un long séjour en clinique puis est mis sous curatelle. Après le décès de sa maman, le 1er janvier 2004 à Paris, il deviendra aphasique.
Sa compagne et ses amis, pour l’aider, lui proposent un dernier projet : un disque de textes et de musiques inédits. Ce travail en cours devait sortir le jour de son quarante-septième anniversaire, le 1er mai 2011. Malheureusement Philippe s’éteint le 11 décembre 2010, des complications d’une infection pulmonaire, entouré de ses proches. Comme l’expliquait la lettre envoyée à France Dimanche, “Sophie et Philippe avaient décidé de lutter pour vivre par amour, en toute lucidité". Guy Bedos a eu la douleur de les enterrer tous les deux. Comme un pied de nez de la vie adressé à celui qui avait déclaré : “Il faut rire de la mort ! Surtout quand c'est les autres.”
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