Après une rude journée de tournage, Laurent Kérusoré reste fidèle à lui-même : dispo, gentil, généreux. C’est depuis chez sa maman, où il est passé récupérer ses chiens, qu’il nous accorde un moment au téléphone. L’occasion de parler boulot, de son personnage de Thomas dans Plus Belle la Vie, de récents drames que la série a surmontés mais aussi d’amour, de solitude et de cette cinquantième bougie soufflée l'an passé sans amertume.
Purepeople : Vous avez fêté vos 50 ans l’année dernière. Comment avez-vous vécu ce cap ?
Laurent Kérusoré : Très bien, parce que quoi qu’il arrive, on n’a pas le choix. On a tous 50 ans un jour. Et moi, je suis bien heureux. J’ai fêté ça en famille, avec mes amis proches, quelques-uns de la série, mes vieux copains d’enfance. C’était une très belle journée.
Vieillir, ça ne vous fait pas peur ?
Non. Je trouve que c’est plutôt pas mal. J’accepte bien la chose. On vit dans un monde d’image, de filtres… Moi, je vieillis, et je l’assume. Il y a des matins, quand j’arrive au maquillage, je dis en rigolant qu’ils feraient mieux d’appeler la déco, tellement y a du boulot ! Mais c’est comme ça, on ne change pas.
Vous avez un tempérament plutôt optimiste ?
Oui. Je vois toujours le verre à moitié plein. Je suis quelqu’un de foncièrement heureux. On a tous nos petits démons, bien sûr, mais en général, je suis bien dans ma peau. Et j’ai un côté très enfantin. Mûr, oui, mature… pas tellement. D’après ma mère et mes amis, je reste un vrai gamin. Je suis dans l’amusement, la rigolade. Je règle mes problèmes comme les enfants : je fais ce que je peux puis je passe à autre chose.
On vous retrouve aussi dans Plus Belle la Vie version TF1. Vous avez tout de suite accepté ?
Évidemment. Je venais de prendre une année sabbatique. J’avais enfin eu le temps de déballer mes cartons dans ma nouvelle maison. Et quand TF1 m’a proposé de reprendre Thomas, j’ai dit oui tout de suite. Je suis très heureux dans cette série. On a une ambiance incroyable. C’est ce qui explique, je pense, sa longévité. Et c’est pour ça que je vais toujours travailler avec plaisir.
Vous ne vous lassez pas du personnage ?
Non, parce que je le fais évoluer. Thomas était plus jeune que moi à l’écran. J’ai demandé à ce qu’il me rattrape en âge. Je ne voulais plus me voir à l’écran plus jeune que mon reflet dans la glace. Aujourd’hui, Thomas est grand-père, il a mûri grâce aux auteurs. Moi, j’apporte des nuances, j’ai Thomas dans le corps, dans le cœur, dans la tête.
"Je n'apprends plus mes textes"
Après toutes ces années, comment vous apprenez encore vos textes ? Vous les connaissez par cœur instinctivement ?
Je ne les "apprends" plus vraiment. Je lis tous les scénarios, même ceux où je ne suis pas. J’ai l’histoire globale dans la tête. Ensuite, je lis mes séquences le soir, et le lendemain, c’est rentré. Ça fait 21 ans que je fais ça. Le cerveau est rodé. Vous me donnez trois scènes que je n’ai jamais vues, en cinq minutes c’est plié. C’est une mécanique de travail que j’ai développée avec le temps.
On vous a entendu dire un jour : "Thomas a tout, moi j’ai rien. "
C’était pour rire. J’ai beaucoup d’autodérision. J’avais balancé ça en rigolant : «Lui, il est grand-père, il a tout, et moi, je suis comme un con» Mais ce n’était pas une plainte. J’ai donné vingt ans à Thomas, je ne pouvais pas tout faire en même temps. Il n’y a pas de drame derrière ça. Juste de l’humour.
Vous sentez-vous privilégié aujourd’hui avec ce rôle ?
Oui. Je travaille. Beaucoup de camarades comédiens font d’autres choses, mais ils traversent aussi des périodes de creux. Moi, je n’ai jamais eu à attendre que le téléphone sonne. Je ne suis pas carriériste. Mais je suis heureux. Je prends ça comme un cadeau, chaque jour. Même si je sais que rien n’est acquis, que ça peut s’arrêter demain.
Michel Cordes et Marwan Berreni sont partis coup sur coup. Le résultat de choix personnels et intimes. Je ne peux pas les juger.
Ce quotidien, vous l’avez aussi vécu avec des collègues très proches, dont certains sont tragiquement partis.
Oui… Ça a été très dur. Michel Cordes et Marwan Berreni sont partis coup sur coup. Le résultat de choix personnels et intimes. Je ne peux pas les juger. Michel, je l’ai eu au téléphone deux jours avant. Son geste d’amour a été de donner le change. Il m’a parlé normalement, comme d’habitude. Il m’a protégé, quelque part. Je garde une image très forte de lui.
Vous étiez très lié à Michel Cordes.
Oui, je l’appelais Papa Cordes, il m’appelait Fiston. On avait une vraie relation de père à fils. Je suis toujours très proche de sa famille. Il vit encore à travers eux, à travers moi. Sur le plateau, je parle encore de lui. Il acceptait que je me moque de lui, alors je continue. Quand une situation me fait penser à lui, je dis : «Papa Cordes aurait râlé !» Ça me fait sourire. Il est là, toujours.
Et Marwan ?
C’est encore autre chose. Une douleur différente. Mais c’était aussi son choix, que je respecte. Il nous manque. Ce que je peux faire aujourd’hui, c’est les garder tous les deux dans mon histoire, et ne jamais les oublier. C’est mon devoir. Je ne dirai pas plus.
Où en sont vos amours ? On vous disait en couple l’an passé…
Des bêtises ! Je n’ai jamais rien dit de tel. Je suis un vieux garçon aujourd’hui. Je pense que c’est trop tard. Tous mes amis me disent le contraire, mais je suis un peu à l’ancienne. J’aime inviter à dîner, offrir des fleurs… Je suis un vieux con et je l’assume.
Votre notoriété complique les choses ?
Oui. Quand on me regarde, je ne sais jamais si on regarde Laurent ou Thomas. Et ça me gêne. Je ne veux pas être en couple avec un comédien non plus, qui travaillerait plus que moi, ou moins que moi, il y aurait forcément la comparaison. Globalement, je vais avec des gens qui n’ont rien à voir avec ce métier. J’ai besoin de décrocher. De parler d’autre chose. D’avoir quelqu’un qui me raconte une journée différente de la mienne.
Vous n’êtes pas fermé à une nouvelle histoire ?
Pas du tout. Je ne cherche pas forcément à vivre avec quelqu’un, mais si une belle rencontre arrive, je suis prêt. Je ne suis pas un moine et j’ai eu de très belles histoires. Je ne regrette rien. Certaines personnes sont restées proches.
En plein été, ce serait pas mal d’être avec quelqu’un, de papillonner un peu
Vous ne vous sentez pas seul ?
Non, même si, en plein été, ce serait pas mal d’être avec quelqu’un, de papillonner un peu. Mais bon, il n’y a personne, si ce n’est mes chiens. Je suis très heureux avec eux.
Vous n’avez pas d’enfants mais vous en avez plein autour de vous ?
Oui, ceux de mes amis. Ils m’appellent tous «Tonton Laurent». Ils viennent en vacances chez moi. On fait du kayak, on va à la mer, au resto… Je leur fais faire plein de trucs. J’adore parler avec les enfants. Je ne suis pas parrain, je ne suis pas croyant. Mais je pourrais être parrain républicain.
player2