





C’est sous le soleil de Corse, dans une maison isolée aux volets bleus, que Michel Fugain coule des jours heureux aux côtés de Sanda, sa femme, épousée en 2014. Entre eux, tout est allé très vite. Réfugié courant 2002 dans sa maison de L'Île-Rousse, à la suite du terrible décès de sa fille Laurette, Michel Fugain sombre dans le chagrin. Un ami parvient à le faire sortir un soir dans un piano-bar local. "Une jeune femme, divine, interprète des standards de bossa et ses propres chansons en s’accompagnant au piano, se souvenait-il en 2011 dans les colonnes de Paris Match. On me dit qu’il s’agit de Sanda, une chanteuse d’origine roumaine venue faire la saison ici avec son frère Dragos, un musicien génial lui aussi."
Le charme opère rapidement entre Michel Fugain et la chanteuse. "Sanda voit que je suis à moitié mort et que je dois retrouver l’envie de vivre. Parce que j’avais touché le fond, elle est descendue jusqu’à moi, m’a pris par le col et m’a remonté à la surface, se souvenait le papa du Big Bazar (qui vient de perdre un célèbre membre). C’est elle qui m’a donné ma première goulée d’air en me disant : Tu es fait pour la vie et la lumière. Depuis, je l’appelle la sirène. Une chanson de mon nouvel album porte ce nom : je l’ai écrite pour elle."

Victime collatérale de ce coup de cœur : Stéphanie, l’épouse de Michel Fugain pendant plus de trente-cinq ans – elle aussi profondément affectée par la disparition de Laurette – décide de se plonger dans le travail en fondant une association au nom de leur fille. "La perte d’un enfant est un cataclysme où chacun essaie de sauver sa peau. Le temps ne referme jamais la plaie du décès d’un enfant, analysait Michel Fugain dans l’entretien accordé à Match. Stéphanie a exaucé un vœu de Laurette en fondant l’Association Laurette Fugain. C’est son investissement dans ce travail, voire ce sacerdoce, qui l’a sauvée."
De son côté, le chanteur de Fais comme l’oiseau prend peu à peu ses distances avec la mère de ses enfants. "Stéphanie et moi avions vécu des choses magnifiques, mais petit à petit, nos chemins ont divergé, ajoutait Michel Fugain. J’ai beaucoup culpabilisé lorsque je suis parti, même si je crois ne m’être jamais comporté comme un salaud."

Autres personnes très touchées par cette tragédie : Marie et Alexis, la grande sœur et le petit frère de Laurette. "Je suis resté trois ans sans les revoir, avouait Michel Fugain, alors totalement perdu. Puis le besoin des uns et des autres fait qu’on devient plus intelligents. On se revoit, on se regarde, on se retouche, on se réappartient. Maintenant, nos rapports sont encore plus forts qu’avant. On sait bien combien le manque est terrible, et combien l’appartenance à une lignée est importante."
S’ils ne se sont pas vus pendant trois ans, le contact n’était pas pour autant totalement rompu : des mails circulaient. Avec Marie, les retrouvailles se sont faites naturellement, non sans émotion. Alexis, lui, était encore très jeune. Tout juste majeur, le cadet n’a pas caché à son père le vide laissé pendant ces trois années : "Nous avons fondu en larmes tous les deux lorsque nous nous sommes retrouvés", se souvenait Michel Fugain.
Aujourd’hui, Marie Fugain poursuit sa carrière d’actrice, enchaînant les apparitions dans des séries populaires telles que Joséphine, ange gardien, Alice Nevers ou encore Camping Paradis. Bien moins connu du grand public, Alexis Fugain a – pourtant – de quoi rivaliser avec son célèbre papa et sa sœur sur le plan artistique. Membre du groupe de rock Biche, ses réalisations et ses prestations dans divers festivals (dont le très prestigieux Rock en Seine) ne cessent d’être encensées. Sa fanbase grandit, et des journalistes spécialisés, comme ceux des Inrockuptibles, saluent la maestria des deux albums déjà parus – le dernier, éponyme, vient de sortir chez Pias.
"Si Biche était une équipe, Alexis serait à la fois le capitaine, l’entraîneur et celui qui distribue les bouteilles d’eau à la mi-temps, peut-on lire dans un portrait rédigé par un journaliste du site très pointu Gonzaï. C’est lui qui élabore les tactiques, impose le rythme et guide ses coéquipiers. En studio, accompagné de Vincent Hivert, il compose les morceaux et bidouille les premières idées d’arrangements. Il cale ensuite des périodes avec le groupe pour répéter puis enregistrer en live. Une fois tout cela en boîte, le fils du chanteur Michel Fugain se retrouve à nouveau dans un processus plus solitaire : écrire les textes, enregistrer les voix et finaliser les derniers arrangements." Un homme-orchestre qui rappelle l’artiste qu’est et a toujours été Michel Fugain, très fier de voir Alexis prendre la relève, au point de l’avoir intégré à la composition de son album Bon an, mal an…
Rencontré en mars dernier par les journalistes de VSD, Michel Fugain évoquait le temps qui passe de plus en plus vite, sa vie de famille et d'artiste, sans oublier cette satanée faucheuse qui veille. "J’ai 82 ans, et à cet âge-là, on pense tout le temps à la mort, avouait-il. Je suis lancé dans une course-poursuite et je n’ai pas envie qu’elle me rattrape. Je me dois de garder la forme ! " Comme ses copains, il ne veut pas quitter la scène. "Je fais la course avec Charles Aznavour, mort à 94 ans, ou Hugues Aufray, qui chante encore, ironisait-il. Il me reste des tas de trucs à faire. Alors il n’est pas question que je capitule."
Chez les Fugain, tant qu’il y a du rythme, il y a de la vie… Avec Michel et Alexis, le public est servi !