"J'ai été aussi sauvée par un homme extraordinaire qui m'a apporté la tendresse, de l'amour... Et un homme qui s'est soucié de moi comme on ne s'était jamais soucié de moi. Donc, il m'a fait reprendre goût à la vie…" Ces mots, Anne Sinclair qui fête ses 77 ans ce 15 juillet, les lançait en juin 2024 dans le cadre de l’émission de l'INA Passé composé, figures du siècle. L’homme extraordinaire qu’elle évoque s’appelle Pierre Nora, son dernier époux, un grand intellectuel, historien, éditeur, de 17 ans son aîné, qui nous a quittés le 2 juin dernier à l’âge de 93 ans.
Il avait été le troisième mari de l’ancienne présentatrice de 7 sur 7 et l’accompagnait depuis 2012, année où elle a officialisé sa rupture avec Dominique Strauss-Kahn, son deuxième époux, à la suite des nombreux scandales ayant entaché la réputation de l’ancien homme politique.
L’histoire entre Anne Sinclair et DSK avait pourtant tout du conte de fées. Elle, journaliste populaire et influente ; lui, directeur du FMI, promis selon tous les commentateurs à l’Élysée en 2012. L’affaire du Sofitel en décidera autrement et fera basculer ce couple politique dans la rubrique faits divers.
Le retentissement de cette affaire avait quelque peu éclipsé l’existence, dans la vie d’Anne Sinclair, d’un premier homme. Son nom parle peut-être moins aux jeunes générations, mais Ivan Levaï fut lui aussi une figure respectée du paysage médiatique. Né en 1937, cet ancien professeur a très vite emprunté la voie du journalisme, en particulier à France Inter, où il passera l’essentiel de sa carrière. Il y signera notamment la revue de presse matinale pendant de longues années, tout en collaborant à L’Express ou au Soir. Nommé directeur de l’information de Radio France en 1989, il achèvera son parcours en 2014, remercié par Laurence Bloch, la nouvelle directrice de la station publique.
Ivan Levaï rencontre Anne Sinclair dans les années 1970. En 1976, alors qu’elle est fraîchement diplômée de l’Institut d’Études Politiques de Paris et qu’elle débute à France 3, ils se marient. En juin 2014, sur le plateau de Tout le monde en parle, interrogé par Thierry Ardisson, Ivan Levaï revenait sur cette union avec une femme dont les yeux bleus subjuguent et qu’il jugeait "trop belle pour [lui]".
Deux enfants vont naître de leur relation. David, l’aîné, voit le jour en mai 1979. Elie, son cadet, en mai 1983. Ces deux garçons grandissent dans l’ombre, préservés des affres de la notoriété, mais baignés dans un environnement culturel et intellectuel particulièrement stimulant. Il n’est donc guère étonnant que tous deux aient choisi la voie des études, avec cependant des trajectoires très différentes...
© Abaca Press, Witt Jacques/Pool/ABACA
Si l’on en croit son profil LinkedIn, après un bac scientifique obtenu en 1997, David suit un MBA de finances à l’ESSEC, la prestigieuse école de commerce. Il traverse ensuite l’Atlantique pour obtenir un master d’administration publique à la SIPA, l’école de relations internationales de l’Université Columbia à New York. Fort de ce bagage, il démarre dans la finance au Crédit Agricole à Chicago, puis rejoint le think tank À gauche, en Europe. En 2006, il participe à Nairobi à un programme d’aide à l’amélioration de l’habitat, avant de coordonner des projets de microfinance et d’accès à l’énergie en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. À partir de 2013, il se spécialise dans les négociations climatiques internationales au ministère des Affaires étrangères, notamment lors de la COP21. Il rejoint ensuite l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales), où il pilote la gouvernance climatique. Depuis 2017, il collabore avec la Fondation des Nations Unies, et depuis 2023, il codirige la stratégie de plaidoyer de la fondation Iswe, dédiée à la création d’une Assemblée citoyenne mondiale pour le climat. Dans le cadre de cet engagement, celui qui a fait de sa maman une heureuse grand-mère, avait pris la parole en 2016 dans le média engagé Reporterre, afin d’éclairer les enjeux de la COP22.
Son frère Élie a lui aussi suivi de belles études, bien que son parcours se révèle plus éclectique. Le benjamin du couple entame une licence d’études européennes à la Sorbonne Nouvelle, qu’il obtient en 2007. Il poursuit à l’American University de Paris, où il décroche en 2011 un Bachelor en politique internationale comparée, avec une thèse sur la gestion de l’eau au Moyen-Orient. Très impliqué, il anime en 2008 un débat sur les Jeux olympiques de Pékin entre Oleg Kobtzeff et Vincent Brossel de Reporters sans frontières.
Il enchaîne ensuite plusieurs expériences dans la communication politique et institutionnelle : consultant, chargé d’événements pour Terra Nova, coordinateur de la campagne du candidat socialiste Jean-Paul Huchon pour les régionales en 2010, puis rédacteur en chef du média Opinion Internationale. À ce titre, il publie une tribune intitulée «Populismes : attention danger !», à la veille des élections européennes de 2014, sur Le Huffington Post, média alors dirigé par sa mère Anne Sinclair.
Il rejoint par la suite le Women’s Forum, où il coordonne pendant quatre ans les partenariats médias internationaux. Mais en 2021, il opère un virage radical : il devient maraîcher dans l’Oise, avant de créer une micro-ferme bio à Seignosse. En 2024, il intègre le programme entrepreneurial Tremplin d’Hectar, avant d’entamer un master en International Leadership & Innovation à la Ferrières Hospitality & Luxury Management School. Il y effectue un stage dans un hôtel haut de gamme. Selon sa page LinkedIn, il est aujourd’hui "open to work" et en recherche active dans le domaine très ciblé de la conciergerie de luxe. "Je cherche un poste de concierge/guest relations/réceptionniste à temps partiel à partir de septembre 2025", écrit-il sur la page de son réseaux social professionnel en poursuivant ainsi : "Fort d’une expérience professionnelle conséquente, je saurai mettre mes qualités linguistiques et relationnelles ainsi que ma connaissance des standards de l’hôtellerie de luxe au profit de votre groupe." Nul doute que son parcours atypique lui permettra de décrocher rapidement un nouveau job.
Dans Passé composé, ses mémoires parues en 2021, Anne Sinclair évoquait pudiquement David et Elie : "Mes enfants ont un peu souffert, non pas du fait que je passe à la télé, mais du fait que je travaillais beaucoup et que je déléguais souvent à ma mère ou à une jeune fille au pair", confiait-elle, avant de conclure : "Ils n'ont pas l'air de s'en plaindre trop, et je pense qu'ils ne sont pas si malheureux finalement."
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