Présenté en Séance Spéciale au dernier Festival de Cannes, Dites-lui que je l'aime est un long métrage puissant signé Romane Bohringer. L'actrice, cinéaste, fille de Richard Bohringer - et bientôt femme remariée - avait décidé d’adapter pour le cinéma le livre de la femme politique Clémentine Autain consacré à sa mère, l'actrice Dominique Laffin qui a perdu la vie à 33 ans. Ce projet, qu'elle a présenté avec passion sur la croisette et faisant fi des critiques absurdes sur son physique, va l’obliger à se confronter à son passé et à sa propre mère qui l’a abandonnée quand elle avait neuf mois. En effet, sa mère — Marguerite Bourry, dite Maggy Bohringer, née à Saïgon d'un père corse et d'une mère vietnamienne — a quitté le foyer laissant son père l'élever seul.
Le film Dites-lui que je l'aime a donc remué beaucoup de choses pour Romane Bohnringer, ce qu'elle confie en interview pour le média La Conversation, un thème qui n'est pas le coeur de son long métrage mais qui y est distillé. "L'alcool est mon ennemi dans la vie. J'ai une grande tristesse quand je vois des gens s'y égarer. Je voulais aussi faire un film sur l'alcool. Alors c'est effleuré, ce n'est pas tout le film, mais c'est quelque chose dont j'ai souffert. Et l'enfant est mis dans une situation de vulnérabilité épouvantable parce qu'il sent plus que tout autre que les choses peuvent tout d'un coup vraiment se défaire et rien n'est stable. Rien n'est sécurisant et moi, j'ai beaucoup vécu ça."
© DR
Romane Bohringer ne cite pas les noms des personnes qui ont sombré. Mais difficile de ne pas faire le lien avec les addictions de son illustre père Richard Bohringer. Le héros du Grand Chemin et d'Une époque formidable avait abordé le sujet dans une interview au Journal du Dimanche : "Ma vie, je l'ai brûlée souvent. Elle m'a cramé.” Des excès qu’il a partagés avec certains de ses amis comme Jacques Dutronc qui buvait également beaucoup d’alcool à une période de sa vie. Le père de Thomas Dutronc avait lui raconté dans les colonnes du Figaro en 2019 : "Ça avait pris des proportions énormes : on faisait des concours de gamma-GT (ndlr : une consommation régulière d’alcool entraîne une augmentation de gamma GT) avec Richard Bohringer."
Un mal qui a aussi touché le père des enfants de Romane Bohringer, Philippe Rebbot. Dans Télérama, la réalisatrice de la série L'amour flou a su trouver une manière respectueuse d'aborder l'alcoolisme de son ex-mari, une maladie qu'il est parvenu à guérir : "Fallait-il, par exemple, parler de son rapport à l'alcool ? Au départ, je ne voulais pas du tout. Et puis ça c'est imposé à nous, dans une logique de sincérité, et de raconter quel homme, quel père il est vraiment. Vu qu'il ne s'agissait pas non plus de s'apesantir dessus, ça apparaît au détour d'une séquence avec un addictologue, et Philippe y dit des choses très belles. Les sujets sérieux, nous nous sommes efforcés de les traiter sans jamais sombrer dans la gravité." En parler sans voyeurisme ni misérabilisme, c'est la force de Romane Bohringer qui a toujours su aborder les sujets les plus complexes avec un regard digne.
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