Dominique Besnehard et le cinéma: "Je sens que l'argent prend plus d'importance"
Publié le 17 mars 2011 à 20:53
Par Clément R.
Dominique Besnehard en 2010 Dominique Besnehard en 2010© Angeli
Dominique Besnehard dans A nos Amours, aux côtés de Sandrine Bonnaire et Evelyne Ker
Béatrice Dalle dans 37°2 le matin
Dominique Besnehard dans Ca ira mieux demain, avec Jean-Pierre Darroussin
Dominique Besnehard et Chantal Lauby dans la Cité de la Peur
Les enfants dans Un sac de billes de Jacques Doillon (1975)
Dominique Besnehard et Sandrine Bonnaire dans A nos amours
Dominique Besnehard dans La Vérité si je mens !
Sophie Marceau dans Par-delà les nuages
L'affiche du film Le Bal des actrices
Ségolène Royal et Dominique Besnehard en octobre 2007
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Dominique Besnehard sera ad vitam eternam un homme atypique, peu enclin à évoluer sur des sillons tout tracés. Acteur, directeur de casting, agent, producteur, cet artisan du cinéma est un monstre sacré du cinéma français, tout en restant longtemps dans l'ombre. Ce mercredi 19 mars, Télérama lui consacre un long entretien et le place en pleine lumière. A l'occasion de la récente sortie d'Avant l'aube et de son futur rôle dans La Conquête de Xavier Durringer, où il campe le conseiller du ministre Nicolas Sarkozy, revenons sur son parcours incomparable.

Dominique Besnehard rêvait d'être acteur, mais n'y croyait pas trop, à cause de son "cheveu sur la langue". Alors, pour se rapprocher d'un milieu qui le fascine tant, mais dont il ne se croit pas à la hauteur, il tente et réussit le concours de la Rue Blanche (devenu Ensatt), à Lyon en 1976. Il entre alors dans la section technique de l'école. Au programme : régie, mise en scène et administration. Déjà, l'homme se distingue par sa volonté à tout comprendre et connaître, une curiosité qui fera son succès. Le temps venant, il fera de nombreuses apparitions truculentes en tant qu'acteur, comme frère de Sandrine Bonnaire dans A nos amours, ou accroché par Chantal Lauby dans La Cité de la peur.

Dénicheur de talents

Sa carrière de directeur de casting commence quand Jacques Doillon lui confie la mission de rechercher des enfants pour jouer dans Un sac de billes. Mais sa vocation explose réellement quelques années plus tard. En effet, dans les années 80, on réclame de nouveaux visages : c'est avec Pialat qu'il commence à "solliciter des gens qui n'avaient pas forcément envie de faire du cinéma". Sandrine Bonnaire fait partie de ces "castings sauvages" : "Elle accompagnait sa soeur au casting (pour A nos amours), et c'est elle qu'on a prise." Belle intuition !

Trois ans plus tard, il découvre Béatrice Dalle, "en couverture d'un magazine photo". Tout d'abord, il se dit : "Je l'ai vue arriver, je me suis dit : cette bouche, ça ne passera jamais !" Et pourtant, il l'a choisie pour 37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix, et fait d'elle une révélation sulfureuse et puissante. Il lui voue ensuite une véritable amitié et révèle qu'elle lui a "fait passer des nuits blanches, des moments d'angoisse, comme [s'il] avait une soeur qui allait mal".

Devenant agent cette année-là, dans la mythique maison Artmedia, il précise qu'il n'a pas eu sous sa responsabilité que les plus grands, comme Nathalie Baye ou Sophie Marceau, mais aussi des réalisateurs émergents, comme Catherine Corsini, Cédric Kahn, François Ozon dans La Vérité si je mens, - dont le troisième volet est prévu en février 2012 - négociant son salaire au rabais avec un intéressement sur les entrées. Vu que film a cartonné, il peut lui être reconnaissant !

Par ailleurs, il se refuse à être présenté comme celui qui a été "l'agent" de Ségolène Royal lors de l'élection présidentielle de 2007 : "En 2006, Ségolène Royal m'a demandé si je voulais l'aider. J'avoue que j'ai été troublé par sa volonté, sa force - j'étais habitué à des actrices qui s'effondraient au moindre problème." L'ami des stars revient aussi sur la rupture : "Elle a dû penser que c'était dangereux pour elle, et en politique, ça peut être violent. [...] J'ai été blessé." La leçon est retenue et la prochaine fois, s'il y en a une, il restera dans l'ombre.

Où sont les cinéphiles ?

Comme il le déclare encore à Télérama, Dominique Besnehard a découvert le cinéma entre Houlgate, Caen et surtout Dives, "une enclave communiste mal famée" où sa mère n'aimait pas trop le voir aller. Dans le monde du septième art d'aujourd'hui, il évoque les "obstacles terribles à franchir" pour les jeunes cinéastes, mais aussi le "manque de cinéphilie de ses interlocuteurs qui sortent tous de HEC". Il précise : "Je sens des gens qui baissent les bras, un manque d'envie et de conviction. Je sens aussi que l'argent prend plus d'importance."

Homme de 56 ans aux valeurs ancrées à gauche, il aime avant tout les artistes, et refuse de stigmatiser le cinéma en disant qu'il est entré dans la folie du star-system. Il regrette la vision que véhicule le film de Maïwenn, Le Bal des Actrices, expliquant qu'il sent "une amertume" chez la réalisatrice qu'il ne comprend pas. "Moi j'aime vraiment les acteurs et les actrices," ajoute-t-il. Il ne manque de leur rendre leurs honneurs, à Sophie Marceau par exemple, pour qui l'argent n'est pas une fin puisqu'elle n'a pas été payée pour tourner avec Antonioni [dans Par-delà les nuages en 1995].

Pour lui, Jean Dujardin et Guillaume Canet aujourd'hui sont les stars bankable du milieu, comme les Patrick Dewaere et Gérard Depardieu de la veille. Pourtant, il met en garde le cinéma français contre une tendance à l'uniformisation qui fait tant de mal à l'art. Sa maison de production Mon Voisin Productions a été créée dans ce sens. Il vient d'offrir au cinéma Avant l'aube avec le toujours franc Jean-Pierre Bacri, et commence le tournage du premier long-métrage de fiction de Sandrine Bonnaire, J'enrage de son absence. Avec, dans les yeux, une certaine vision du cinéma qui défile.

Retrouvez l'intégralité de l'interview de Dominique Besnehard dans le Télérama du 19 mars 2011.

Clément Razgallah

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